mardi 7 août 2007

Dix années de fuite: d'Alger à Montréal en passant par Paris

S.M.W.

Citoyen algérien âgé de 26 ans, S.M.W est arrivé à l’aéroport de Dorval à l’été 2006 pour être immédiatement conduit au Centre de prévention de l’immigration à Laval (1). Séjour de trois mois dans un lieu qui lui faisait peur : il craignait d’y subir des représailles du fait de son orientation sexuelle. Pour le moment S.M.W doit taire son identité parce que sa demande de statut de réfugié sera entendue prochainement par la Commission de l'immigration et du
 statut de réfugié (CISR) et parce qu’il est en droit de craindre des menaces de la part de sa famille. Il témoigne :


J’ai du quitter mon pays car je suis un homosexuel.
Cela m’a occasionné beaucoup de problèmes en Algérie où je n’étais pas libre de vivre ma vie comme bon me semble. Tout devait se faire en cachette, à l’insu de la société en général, de ma famille et de celle de mon partenaire.

J’étais étudiant au lycée d’une petite ville située à 350 km d’Alger.
À 17 ans je venais de faire la connaissance d’un jeune homme de mon âge dont je suis tombé amoureux. Nous nous rencontrions loin des éventuels regards indiscrets pour éviter tout problème, jusqu’au jour où le frère de mon compagnon découvrit notre relation. Celui-ci nous a alors battus puis attachés, tout en nous menaçant de nous égorger si, à l’avenir, nous nous revoyions. « Même si je dois aller en prison pour meurtre, nous cria-t-il, je sais que Dieu est avec moi ! ».

Soudainement, mes parents m’ont annoncé mon mariage avec une jeune femme.
J’avais tout juste 20 ans. Ils avaient demandé aux parents de cette jeune femme leur autorisation à m’offrir sa main. Pour mon père, aucune équivoque n’était possible : il me fallait être marié dès la fin de mes études.

De son côté, mon compagnon était fermement décidé à faire échouer mon mariage.
Il est allé voir le frère de ma future épouse pour lui annoncer que je suis homosexuel. Tout le monde s’en est mêlé et les familles sont entrées en guerre. Le mariage a été annulé par la famille de la jeune femme.

Toutefois, mon père ne croyait pas et ne voulait pas croire que je suis homosexuel.
Suite à cet échec et pour faire taire les rumeurs, mes parents ont décidé de me marier le plus rapidement possible en me présentant des femmes que j’ai tour à tour refusées.

Je ne voulais rien dire de plus à mes parents car je ne voulais pas les perdre. Pour éviter tout problème additionnel j’ai décidé, à 22 ans, de quitter l’Algérie pour aller vivre en France.

J’ai vécu ainsi quatre années en France. J’ai découvert que je pouvais y vivre librement ma sexualité. Néanmoins, j’habitais dans des quartiers défavorisé à loyers peu élevés et à forte concentration d’Arabes et de Noirs musulmans que je savais condamner l’homosexualité, et j’y ai vite retrouvé mes craintes d’autrefois.
C’est durant cette période à Paris que j’ai fait la connaissance d’un Canadien qui m’a suggéré d’aller m’installer au Québec. Il m’a dit que je n’y ressentirais aucun problème. Il a ajouté que les Homosexuels à Montréal ont un village spécial où ils sont respectés et que toutes les personnes homosexuelles ont des droits comme tous les autres citoyens.

Avant le grand départ pour le Canada, j’ai décidé de retourner voir ma mère à Alger.
Je souhaitais aussi profiter de cette occasion pour revoir mon compagnon. Mais nous avons été vus ensemble et de nouvelles menaces ont été proférées contre nous.
Effrayé, mon compagnon s’est immédiatement sauvé et je me suis, quant à moi, terré chez ma mère avant de reprendre le plus vite possible un bateau pour Marseille.
De là, je me suis rendu à Paris d’où je me suis envolé un mois plus tard pour Montréal.

Lorsque je suis arrivé au Canada, j’étais apeuré. J’ai rencontré l’agent d’immigration à qui j’ai expliqué ma situation. Je lui ai fait part de mon homosexualité.

L’agent m’a expliqué que je n’avais plus rien à craindre et que je serais même en droit de me marier ici, si je le souhaitais, avec une personne de même sexe que moi.


(1) Le centre de prévention de l’immigration est l'endroit où sont détenus les résidents 
temporaires et les résidents permanents pour des questions
 d'établissement d'identité, de risque de fuite ou de
 criminalité.

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