mercredi 8 août 2007

Immigrer : en pleurer ou...en rire ?!
ou le monde selon Lynne Cooper



Anouk LANOUETTE-TURGEON

Fascinée par le Cirque du Soleil, un jour – une nuit – Lynne Cooper a fait un rêve. Elle arrivait à Montréal et était accueillie à bras ouverts par la troupe de Guy Laliberté. Au réveil, le rêve ne s’est pas estompé. Elle s’y est accroché. Quelque temps plus tard, elle s’envolait pour le Canada. Elle n’a pas travaillé pour le Cirque; mais son rêve n’a pas moins porté fruits...

Née au Honduras d’un père Chilien de descendance anglaise et d’une mère trinidadienne, Lynne Cooper, clown-acrobate-actrice-metteure-en-scène, a vécu dans plusieurs pays d’Amérique latine avant de s’établir à Montréal. La nationalité canadienne, quand elle l’obtiendra, sera sa...cinquième.

Après avoir atterri en Ontario, où elle a travaillé deux mois dans un camp d’été, elle met le cap sur le Québec. « Quand je suis arrivée à Montréal, j’ai senti très fort, très vite, que c’est ici que je voulais vivre. » Et le coup de foudre a duré : sept ans plus tard, elle est toujours amoureuse... Même si, de l’Amérique latine, elle importerait bien, par exemple, « la solidarité, la chaleur, les gens-qui-touchent, les odeurs, le chaos, le romantisme – et ma famille, aussi ».

Sunk in the Trunk et la vraie vie



Si j’ai rencontré Lynne, c’est que j’ai vu, le 11 avril dernier, dans le cadre de Vue sur la relève, « Sunk in the Trunk » : l’histoire d’une clown sans papiers, Wendy, qui vit dans un coffre et tombe sur une frontière en papier surveillée par Ernesto, incapable de concevoir la vie sans frontière. Dialogué en onomatopées, le spectacle est une heureuse rencontre entre la fantaisie et la révolte et une réflexion très pertinente sur l’expérience de l’immigration, les dédales administratifs, la frustration, la colère, l’absurdité, la liberté de circuler et de choisir sa vie.


Arrivée à Montréal comme touriste, Lynne renouvelle plusieurs fois son permis de séjour. Tous les six mois, comme il se doit, elle se rend à la frontière pour redemander l’admission (ce qu’on appelle faire le tour du poteau : sortir du pays pour y rentrer à nouveau tout de suite. C’est légal.). Sauf que, une fois – la dernière – le système n’« enregistre » pas son tour du poteau. Alors les autorités croient qu’elle est demeurée au Canada sans statut après l’expiration de son titre de séjour; et qu’elle a travaillé illégalement, en plus. Résultat : elle reçoit un avis d’expulsion. Elle doit quitter le Canada. Perds son travail. Son appartement. Le pire, peut-être, sera l’interruption du traitement de la demande de résidence permanente qu’elle venait de présenter.

Le rêve se brise. Elle doit tout recommencer. Décide de partir pour l’Angleterre, espérant que les autorités canadiennes de l’immigration se rendent compte de leur erreur et rectifient. Ce qui arrivera effectivement, quelques mois plus tard. Entre-temps, à Londres, Lynne travaille comme interprète auprès des immigrants et des réfugiés. C’est là qu’est née l’idée de Sunk in the Trunk.

Elle a eu beaucoup de peine de devoir quitter Montréal. « De ne pas pouvoir être où je voulais être. J’étais humiliée. Je ne comprenais pas pourquoi des formalités administratives m’empêchaient de réaliser ce que je voulais faire. Je suis une entêtée, mais à un certain moment, j’étais en train de me résigner à abandonner. C’est là que j’ai appris que ma demande de résidence permanente était finalement acceptée! »

Aujourd’hui, Lynne est chez elle à Montréal. Ne sachant pas si c’est pour toujours, mais appréciant l’enracinement. À la fois nostalgique et épanouie. Un bel équilibre. Lynne transporte sa maison avec elle – comme la tortue, dit-elle. Et sa maison c’est le monde.

Et vous savez quoi? Si sa première création, Sunk in the Trunk, a pu se concrétiser, c’est grâce non seulement à la créativité de Lynne et de son équipe; mais aussi au soutien du Cirque du Soleil, qui a subventionné le projet. Comme quoi le rêve, par la bande, s’est finalement concrétisé!

Sunk in the Trunk, qui sera présenté en Suisse en juin, revient à Montréal cet automne – dans cinq maisons de la culture.
www.trunk.clocloval.com pour en savoir plus.

Cet article est paru dans l'édition Été 2007 du Jumelé.

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