mercredi 8 août 2007

À l’horizon des mondes
Contrer l’exclusion de femmes devenues mères

Laura KNEALE



Rappeler que la situation économique mondiale actuelle est loin de procurer un état de bien-être à nombre de personnes est presque devenu un triste lieu commun. Un cinquième de la population planétaire vit dans la pauvreté et l’on assiste, la plupart du temps impuissants, à une féminisation alarmante de cette pauvreté. Les deux tiers des personnes analphabètes et 27 millions de réfugiées, sont des femmes. Chaque année, plus de 200 000 d’entre elles meurent des suites d’avortements non sanitaires. L'éducation, la sécurité et la santé des femmes sont des domaines qui requièrent des améliorations constantes.

À une échelle plus petite, au Québec, les chiffres sont moins alarmants qu'ailleurs mais les mêmes problématiques restent vraies. Ainsi, chez nous, les femmes de communautés culturelles, de conditions économiques précaires ou les jeunes mères sont souvent marginalisées.

Lorsqu’elles décident de mener à terme une grossesse imprévue et de garder leur enfant, nombre de ces femmes se font exclure de leur propre réseau. Malheureusement, le poids de la parentalité peut enfoncer des mères dans un puits sans fond. Les projets de jeunesse - études, carrière, voyages – passent souvent au second plan. Par conséquent, nombreuses sont les mères qui se sentent vieillies plus vite qu’il n’est en réalité.

Le programme « Au futur » de la Maison D'Haïti et de L'Association Jamaïcaine, tente de lutter contre l'isolement des jeunes mères. De très jeunes femmes de moins de 25 ans des quartiers Côte-des-Neiges et St-Michel sont accompagnées pendant ou après leurs grossesses. Souvent rejetées par leurs familles, ces mères sont ainsi intégrées à un réseau de solidarité par le biais de ce programme Au futur. Travailleuse communautaire à la Maison D'Haïti, Monique Dauphin explique qu’il est nécessaire de rappeler aux jeunes mamans qu'elles sont des « femmes d'abord ». Par le biais d'une activité du même nom, la première démarche consiste en l'acquisition de compétences pour réduire le stress de la jeune parentalité. Ceci fait, l’accent est mis sur l’encouragement à vivre une situation familiale durable et à éviter la victimisation des femmes. C'est un réseau multiculturel pour rehausser la confiance et l'espoir des jeunes mamans.

Un futur resplendissant en vue, l'action de L'Envol Des Femmes (Women on the Rise) prend tout son sens. Dans une maison du quartier Notre-Dame-de-Grâce, les discussions et le partage autour d'une belle table de cuisine sont régulièrement au menu. Le but étant d'aider les mères à s'aider elles-mêmes, il n'y a pas de doute que L'Envol Des Femmes a fourni un espace qui symbolise pour certaines fières membres un deuxième chez soi. Installées confortablement dans le salon, elles abordent des sujets existentiels comme le sens de la vie tout en allaitant les petites mais futures femmes en essor. Créant un espace de proximité exceptionnel, c’est ensemble que ces femmes parviennent à dépasser certaines des difficultés qu’elles rencontrent sur le chemin de leurs vies respectives.

Le Projet Chance quant à lui met l’emphase sur l'accès à l'éducation.
Visant à briser les cycles de pauvreté et de dépendance à l'aide sociale, un projet pilote d’accès à l’éducation combiné à une résidence pour mères célibataires désirant poursuivre leurs études, est mis sur pied. Le Projet Chance voit le jour en 1986. Son succès est immédiat et fulgurant. Il sera là pour rester.
Mélanie del Valle partage « Le jour où j'ai appris que ma demande [à Projet Chance] avait été acceptée, je me suis sentie comme si j'avais gagné à la loterie. » Depuis qu’il a doublé le nombre de ses logements en 2004, Projet Chance peut accueillir 44 familles. Plus de 150 femmes sont reparties de la résidence diplôme en main.
Si l'éducation peut changer quelque chose à la condition socio-économique d'une jeune mère, le Projet Chance va au-délà d’un simple regroupement de logements subventionnés : c'est un microcosme où les enfants comme leurs mères sont exposés à des activités éducatives et à une organisation démocratique et participative. Tous ces aspects jumelés en font un projet unique en son genre à l'échelle nationale.

En plus de bien fonctionner, le mérite de ces initiatives est surtout d'offrir des services adaptés à des situations parentales variées et parfois complexes. Qu'elles travaillent, étudient, soient monoparentales ou d'origines ethnoculturelles diverses, les femmes québécoises et néo-québécoises sont confrontées à des défis de taille pour parvenir à coordonner leurs vies en fonction de la maternité. Si ceci rend la situation de chacune unique en son genre, cela ne relâche pas pour autant les exigences du rôle de mère.
On peut donc espérer qu'avant de gagner à la loterie pour de vrai, les femmes continueront à obtenir le support nécessaire pour élever des enfants en santé et espérer aussi que cette responsabilité et cet engagement soient également partagés au sein de l’ensemble de la parenté.

Quelques ressources pour les mères et familles



- Résidence Projet Chance 514-934-6199 http://projectchancefoundation.ca/
- L’envol des femmes (Women on the rise) 514-485-7814
- Maison d’Haiti 514-326-3022 http://www.mhaiti.org/
- Jamaica Association 514-737-8229
- À deux mains (Heads & Hands) 514-481-0277 http://www.headandhands.ca/

Lecture suggérée


The Lunch Box Chronicles: Notes from the Parenting Underground de Marion Winik. Un bijou de livre autant drôle que facile à lire. Les états d’esprit d’une mère célibataire qui fait de son mieux pour éléver ses deux jeunes garçons sans perdre la lueur d’espoir qu’elle voit dans leurs petits yeux tous les jours.

Cet article est paru dans l'édition Printemps 2007 du Jumelé

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