jeudi 16 août 2007

Travailleurs et travailleuses agricoles saisonniers:
À quand la certification Équitable pour nos fermes ?

Blandine PHILIPPE


Un peu partout à travers le Québec, des milliers de travailleurs saisonniers originaires du Mexique, du Guatemala et des Antilles notamment, sont embauchés par nos fermes dans le cadre d’ententes gouvernementales entre les pays (*). Le programme n’est pas nouveau : les premières ententes ont été signées il y a plus de 40 ans entre le Canada et certains pays du Sud. Pour notre pays, il s’agit d’enrayer la pénurie de main-d’œuvre et de conserver notre productivité et notre compétitivité. Pour les travailleurs saisonniers, il s’agit d’un exil temporaire pour nourrir la famille et s’offrir une meilleure qualité de vie.

Mais avec le temps, il apparaît que ces travailleurs ont besoin d’une protection particulière. Pour certains d’entre eux, le rêve se transforme en véritable cauchemar. Beaucoup sont victimes d’abus de la part de propriétaires exploitants qui contreviennent aux normes du travail. Parmi les plaintes les plus fréquentes, on retrouve : le harcèlement, la discrimination, la maltraitance physique, l’humiliation, la séquestration, le refus d’accès aux soins de santé, le non-respect des horaires pré-établis ou des conditions de logement, etc. Les travailleurs qui ont osé se plaindre auprès de leur employeur ou de leur consulat situé à Montréal, auraient reçu des menaces d’exclusion du programme, sans possibilité de travailler sur aucune une autre ferme à l’avenir. Il est à noter que ces travailleurs ne parlent que leur langue maternelle et que les instances gouvernementales canadiennes ne disposent des lois et règlements dans aucune autre langue que le français ou l’anglais.

La coalition d’appui aux travailleurs et travailleuses agricoles saisonniers (C.A.T.T.A.), chapeautée par Patricia Perez, est une organisation vouée à l’amélioration des conditions de vie de ces travailleurs. Son rôle est de promouvoir la reconnaissance de leurs droits et la défense de leurs intérêts. Plus de 80 plaintes et situations critiques ont été relevées par l’organisme au cours du seul été 2006. La C.A.T.T.A. multiplie les démarches pour tenter d’établir des solutions valables, dans un cadre légal, face à ces difficultés, aux niveaux municipal, provincial ou fédéral.

Peut-être un peu d’espoir, avec l’annonce faite ce 14 juin par la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse : une enquête est ouverte sur la situation d’un travailleur agricole migrant afin de vérifier s’il n’aurait pas été victime de discrimination fondée sur son origine ethnique ou nationale, dans l’exercice notamment de son droit à des conditions de travail justes et raisonnables respectant sa santé, sa sécurité et son intégrité physique.

Avec la répétition de plaintes, une ferme québécoise a déjà été expulsée du programme par un des pays partenaires, le Mexique. Mais du côté canadien il semblerait qu’aucune mesure contraignante ne soit applicable puisque cette même ferme a pu établir, peu de temps après, une entente avec le Guatemala et recruter de la nouvelle main d’œuvre migrante, toujours grâce au programme canadien (*).


Ironiquement, le Québec commence tout juste, depuis une dizaine d’années, à se conscientiser au commerce équitable, défini comme un système d’échange économique respectueux de l’environnement et des droits des travailleurs. Nous consommons fièrement, l’esprit serein, nos importations de bananes, de café ou de cacao équitables.

Goût amer en bouche: après une rapide vérification sur le net, il apparaît que certaines des fermes québécoises en cause (identifiées et désignées par la C.A.T.T.A. auprès de nos autorités compétentes) vendent directement leurs fruits et légumes sur nos marchés publics.

Va-t-il nous falloir, ici au Québec, faire certifier les produits de nos fermes par des organisations indépendantes pour être assurés de leur caractère équitable, et donc du respect des droits des travailleurs ? C’est peut-être sur ce point que le consommateur, solidaire et responsable, pourrait jouer un rôle de soutien et sentir qu’il peut contribuer à faire changer les choses pour plus de justice sociale. Quelle saveur a votre tomate aujourd’hui ?

(*) Le programme des travailleurs agricoles saisonniers (PTAS) à été élaboré par Ressources humaines et Développement social Canada (RHDSC) et Citoyenneté et Immigration Canada (CIC).
Cet article est paru dans l'édition Été 2007 du Jumelé.

Aucun commentaire: