mercredi 26 septembre 2007

Le chômage des immigrés


Le samedi 22 sept 2007

Lysiane Gagnon
La Presse

Selon Statistique Canada, c'est au Québec que les immigrés ont le plus de difficulté à percer le marché du travail, quelque soit le nombre d'années qu'ils ont passé ici. À quoi est-ce dû? À la langue? À la société d'accueil? À la structure du marché du travail? Au pays d'origine des immigrants? Pourquoi un tel fossé entre le Québec et le reste du Canada?

Le taux de chômage des immigrés, au Québec, était de 9,2% l'an dernier, alors que l'ensemble des chômeurs représentait 6,3% de la population. Pire, le chômage touche plus durement qu'ailleurs les immigrés installés au Québec depuis plus de cinq ans. Normalement, ceux-là devraient s'être intégrés au marché du travail au même rythme que les immigrés du reste du Canada.

Au Québec, le taux de chômage des immigrés qui sont ici depuis moins de cinq ans est de 17,8% (moyenne pancanadienne, 11,5%). Les immigrants installés depuis cinq ou 10 ans chôment dans une proportion de 13,4% (pour cette dernière catégorie, le taux de chômage est de 7% en Ontario et de 5,1% en Colombie-Britannique, la moyenne pancanadienne étant de 7,3%).

Le fossé qui nous sépare de l'Alberta et du Manitoba est encore plus grand. L'Alberta a une économie très forte; quant au Manitoba, il s'est donné un programme spécial qui prévoit des emplois pour les immigrants qualifiés avant même leur arrivée au pays.

Il n'y a pas de doute que le Québec paie le prix de sa volonté légitime de vivre en français. Une bonne partie des immigrants qu'accueille chaque année le Canada provient de pays anglophones ou de pays où la langue seconde est l'anglais (ce qui est le cas de la plupart des pays d'immigration).

Près de la moitié des nouveaux arrivés au Québec doivent donc passer par l'étape de la francisation, ce qui retarde d'autant leur entrée sur le marché du travail. Le défi, ici, est double, car le français est une langue plus difficile à apprendre que l'anglais. On peut arriver assez tôt à se débrouiller en anglais si l'on est immergé dans une ville anglophone. Mais pour maîtriser le français, à plus forte raison le français écrit, il faut beaucoup de temps et d'efforts. Il est bien évident que cela constitue un obstacle capital à l'intégration des immigrés sur le marché du travail.

La concentration des immigrés à Montréal limite également leurs possibilités d'emploi. Par contraste, on trouve beaucoup d'immigrés dans toutes les petites villes d'Ontario, de Colombie-Britannique ou d'Alberta où l'on vit de l'industrie primaire et secondaire. Les immigrés québécois, cantonnés dans la région montréalaise, se voient surtout offrir des emplois dans le tertiaire (les services), pour lesquels il faut nécessairement une connaissance adéquate du français. Et c'est sans compter les tests linguistiques imposés aux professionnels de la santé.

Il va de soi que cela ne concerne pas les immigrants francophones des pays du Maghreb et de l'Afrique subsaharienne. Y aurait-il, dans leur cas, des obstacles spécifiques, reliés à la religion ou à la couleur de la peau? Y aurait-il plus de discrimination envers les immigrés au Québec que dans le reste du Canada? A priori, cela m'étonnerait. La xénophobie est une maladie répandue partout.

Il reste qu'il ne faut pas sous-estimer des facteurs comme le pays d'origine des immigrés. La Colombie-Britannique, par exemple, reçoit beaucoup d'immigrants chinois. Or, on le sait, les Chinois forment en général une main-d'oeuvre exceptionnellement ambitieuse et productive, dont les enfants deviennent rapidement des premiers de classe. Hélas, le Québec compte très peu d'immigrants chinois. De même, il reçoit relativement peu d'immigrants en provenance de l'Inde - autre grand pays émergent où la main-d'oeuvre est instruite; ceux-là, d'ailleurs, sont anglophones et l'on voit mal pourquoi ils choisiraient le Québec plutôt que l'Ontario.

Les immigrés qui seront naturellement attirés par le Québec - et qui, en raison de la langue, bénéficieront au départ d'une évaluation favorable - sont les hispanophones (les «latinos», facilement «francisables», sont nombreux au Québec) et bien sûr les francophones. Or, il y a belle lurette que les Français, les Belges et les Suisses n'émigrent plus. Le bassin d'immigration francophone est maintenant dans l'hémisphère sud, là où abondent les problèmes économiques, avec leurs inévitables conséquences sur l'éducation et l'éthique du travail.

Le Québec a terriblement besoin d'immigrants. Mais pas d'immigrants-chômeurs! C'est là une question que l'on devra examiner en profondeur.

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