mardi 6 novembre 2007

Quand les cultures s’entrechoquent

Gabriel GOSSELIN

Le thème de l’étranger est universel. Le voyageur, l’immigrant, le « Survenant » viennent par leur seule présence dans le pays questionner notre mode de vie. Parlant souvent une langue pour nous étrangère, il laisse derrière lui un passé qui fut souvent un lourd fardeau. Sa nourriture, son habillement, ses prières, il ne nous les impose pas mais il est souvent prêt à les partager.

L’immigrant, tout comme le Québécois pure laine, est troublé et tenté par la société de consommation dans laquelle on baigne ici. Délesté de ses repères habituels, il se retrouve brusquement catapulté dans un bouillon de culture qui satisfait peut-être ses besoins immédiats, mais qui réserve peu de place à ses besoins intimes et vitaux. Résultat : la sympathique rencontre entre « l’habitant et le voyageur » n’a lieu que rarement. Ce vide pousse alors l’immigrant à retraiter vers le confort et la sécurité de son milieu d’origine, avec le risque de ghettoïsation.

La démarcation entre les cultures se situe souvent dans tout ce qui a trait à la vie sociale, familiale et religieuse des nouveaux arrivants. Ils ont souvent des exigences disciplinaires et coutumières qui forcent une certaine distanciation et incompréhension bien naturelles de leur part face à notre culture qui est très éloignée du modèle de la famille telle que le concevait nos propres parents.

Au Québec, nous sommes aujourd’hui loin de la famille traditionnelle qui nous a protégés de l’assimilation après la conquête des Anglais. Nous observons une multitude de conceptions de la famille dans lesquelles les enfants occupent une place secondaire.

On comprend dès lors le dilemme des immigrants qui tiennent aux valeurs de la famille traditionnelle dans une société d’accueil déstabilisée et à la recherche d’une nouvelle identité.



La société contemporaine qui est la nôtre a créé une multitude d’institutions afin de se substituer à l’un ou l’autre des parents, ou aux deux. Les psychologues et leurs approches thérapeutiques tentent de suppléer à un encadrement familial sécurisant. Sur le plan affectif, les garderies, les maternelles, les écoles s’efforcent à remplacer les parents débordés et absents, qui devraient se partager normalement une présence et une responsabilité quotidienne auprès de l’enfant.

Les repas pris en famille ont été abandonnés pour des mets congelés avalés à la sauvette et l’enfant, souvent unique, privé de la présence de frères et sœurs, se tourne vers la TV et les jeux vidéos. Les jeunes grandissent souvent dans un monde irréel, ne sachant plus ce que c’est que l’amour d’un père et d’une mère.

Oserions-nous demander aux immigrants de s’intégrer à ce style de vie familiale ainsi qu’à renoncer à ce qui nourrit le plus profondément leur culture, à savoir une famille solidaire dont les membres sont proches les uns des autres et dans laquelle les enfants occupent une place centrale ?

Par ailleurs, nous pourrions tracer ici un tableau parallèle de la place des religions dans les deux univers respectifs. Nous y reviendrons peut-être un jour.

En attendant, le choc des cultures en présence mérite une réflexion approfondie de notre part. Au nom d’une fausse conception de la liberté, nous nous sommes attiré les pires misères : toxicomanies, alcoolisme, jeux de hasard, sexualité irresponsable, etc.

Comment protéger les enfants contre nos tendances à vouloir assouvir le moindre de nos désirs au détriment d’une vie en société dans laquelle le bonheur puise à d’autres sources que la consommation? Nous sommes les premiers modèles sur qui peuvent compter nos enfants.

Face aux immigrants qui ont souvent une autre conception du bonheur et d’autres choix éthiques et spirituels, nous commençons à entrevoir une nouvelle culture.

À cause de notre négligence et de nos infidélités, nous craignons de plus en plus pour notre survie et nous devons réapprendre à vivre culturellement.

Depuis une vingtaine d’années, des hommes et des femmes essaient d’inventer un nouvel âge en cherchant des manières de guérir de la surconsommation. Basé sur des valeurs d’équité, de bonheur, de santé et de partage, ce nouvel âge, plutôt que de rechercher des solutions toujours plus démoniaques à nos problèmes, invente des alternatives écologiques, humanistes et spirituelles afin de nous soulager des maux qui infligent notre humanité vieillissante. Ce nouvel âge est vivant et nous nous transformons en y travaillant.

De la sorte, ne nous approcherions-nous pas de beaucoup d’immigrants ? Le dialogue n’en serait-il pas grandement facilité ? Ensemble, nous pourrions devenir les bâtisseurs d’un nouveau pays,mais surtout d’une nouvelle culture plus respectable des vrais enjeux de l’humanité.

Cet article est paru dans l'édition Été 2007 du Jumelé.

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