mardi 7 août 2007

Démystification: s'adresser à sa communauté

Blandine PHILIPPE





Avant-propos :
Une partie des propos ici rapportés fait référence à une situation vécue antérieure à 2001.



En arrivant à l’aéroport de Dorval en 2001, Juan Gatica ne veut pas explicitement déclarer aux agents d’immigration les raisons de sa demande de refuge.
Les uniformes lui font peur.
Il conserve cette même image qui le hante depuis fort longtemps, celle de policiers le harcelant, au détour d’un parc, d’un café ou de tout autre lieu, en quête d’une nouvelle proie à arrêter. Juan décrit les insultes, menaces, intimidations, fausses accusations et détentions comme étant le lot quotidien des pratiques policières à l’endroit des homosexuels.

Même si du point de vue légal l’homosexualité n’est pas condamnée au Mexique, la réalité sociale semble bien différente et le poids culturel fait chèrement payer à certaines minorités le non respect du code machiste dominant.
Cela passe par des insultes, des moqueries, le harcèlement psychologique, le vandalisme de sa maison, ou encore le lynchage public pouvant conduire à la mort. Durant l’année qui a précédé son arrivée au Québec, Juan Gatica, psychologue, avait recensé plus de 250 cas de meurtres d’homosexuels pour la seule ville de Mexico.

Dans une telle atmosphère homophobe, il vaut mieux cacher son homosexualité. Vivre en couple est également un pari extrêmement risqué. Pour Juan, le pari a été perdu. Lui et son conjoint décident de venir au Québec pour vivre dans le calme social et politique. « On nous avait décrit Montréal comme un paradis pour les personnes gaies, explique Juan, où nous pourrions vivre en tant que couple. »

Quand je suis avec des Latinos, je ne dis jamais que je suis homosexuel, alors que je le dis ouvertement aux Québécois.



Clin d’œil de la vie, c’est par le biais du bureau d’aide sociale que pour la première fois ils sont reconnus comme couple.

Aujourd’hui, Juan est citoyen canadien. Sa perception initiale quant à l’esprit de tolérance et de liberté qui règne à Montréal face à la question homosexuelle demeure inchangée. Il peut ici, vivre librement son identité sexuelle, mais… « quand je suis avec des Latinos, je ne dis jamais que je suis homosexuel, alors que je le dis ouvertement aux québécois. Je ne leur dis jamais parce qu’il y a un rejet immédiat et une coupure instantanée de la communication (…) Les communautés culturelles ont besoin ici de fortifier leurs racines pour nourrir leur identité. Alors souvent elles amènent leurs préjugés d’origine et les amplifient. Elles s’installent ainsi dans une vision de la réalité qui n’existe peut-être même plus dans leurs pays d’origine. »

Pour démystifier l’homosexualité auprès de la communauté hispanophone, Juan tient une chronique hebdomadaire à Radio-Centre-ville depuis plus d’une année *. Comme il s’y attendait un peu, il reçoit beaucoup d’insultes de la part d’auditeurs hispanophones. « Alors, c’est qu’il faut continuer ! » sourit-il.


* « Sortir du placard » tous les lundi, à 22h30 au 102,3 FM.

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