
Malgré son apparente fragilité, cette religieuse des Sœurs du Bon Conseil (SBC) a été taillée dans la fibre de chêne, capable d’affronter les pires tourmentes.
Ses racines plongent dans la nappe phréatique de la foi, de la spiritualité et de la mystique. Ce courant souterrain explique sans doute son dynamisme dans l’action, et cette merveilleuse fidélité à sa vocation au service des réfugiés depuis l’année 1951. Au sein de l’équipe du CSAI (Centre social d’aide aux immigrants, Westmount), Denise œuvrait aux avant-postes de l’accueil d’immigrants de toutes origines et religions. Sa vie n’était qu’une main tendue vers les nouveaux arrivants, souvent écorchés vifs, et dont elle qualifiait le goût de survivre et de revivre comme un hymne à la vie, intarissable source d’inspiration à ses yeux.
Toujours en marche, elle a évolué au gré des vagues successives de réfugiés qui ont déferlé sur les plages du Québec depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. En ce sens, son parcours s’identifie à l’histoire collective québécoise des dernières décennies.

Cette grande dame était consciente de ses forces comme de ses limites. Et ce sont ces dernières qui l’ont poussée à aller chercher les compétences complémentaires dont elle avait besoin. Ainsi, éveilleuse et leader, elle a su mobiliser tout un réseau de collaborateurs, collègues au sein de l’équipe multiethnique du CSAI, consœurs religieuses, élus, fonctionnaires, universitaires, professionnels et journalistes. Même à l’étranger elle avait ses relais. Son outil de travail par excellence est devenu légendaire avec le temps. C’était le téléphone sur sa table de travail. Ses SOS pour des cas urgents étaient irrésistibles.
De l’équipe du CSAI, Denise a été le cœur, la pionnière, la coordonnatrice, la formatrice et la conseillère. Au fil des années et des décennies, elle est devenue une référence, au fait de toutes les ramifications du monde aujourd’hui complexe de l’immigration. Plus d’une fois, elle a dénoncé la lenteur des rouages bureaucratiques malgré des situations d’une urgence criante.
Plus que quiconque, elle avait la conviction que Montréal n’est pas le nombril de la planète. Ses séjours prolongés en Égypte, au Liban et dans le Sud-Est asiatique ont provoqué une secousse tellurique en son cœur et élargi pour toujours ses horizons.
Au cours de sa « carrière » bénévole à plein temps, on lui a accordé de multiples distinctions honorifiques, largement méritées, dont elle ne s’est jamais glorifiée. Ce prestige n’a servi que pour donner plus de poids à ses interventions. Devant l’injustice, elle sortait d’ailleurs les griffes !
Aujourd’hui, une nouvelle étape est amorcée. Sa santé branlante l’a obligée à se retirer. Désormais, sa qualité d’être et un rayonnement discret succéderont à son dynamisme efficace dans l’action. Comme dans les pays africains, elle sera la grand-mère respectée, visitée, consultée. Ce pourrait même être le temps de dicter ses mémoires. Bien des gens les réclament d’ailleurs ! Heureusement, on retrouve des flashes caractéristiques de son approche dans le livre Tout quitter pour la liberté, cinq parcours d’immigrants, aux Éditions Libre Expression.
Que l’automne de sa vie soit heureuse et paisible, malgré des épreuves de santé et un danger d’isolement. C’est ce que le personnel du CSAI, son directeur, le président et les membres du conseil d’admiration, des amis et surtout d’innombrables immigrants lui ont souhaité lors d’un 5 à 7 le 18 avril dernier. Ce soir-là, assise sur le bord d’une chaise à la place d’honneur, Sœur Denise avait le cœur gros. Les larmes aux yeux, elle ne trouvait que le mot mercibalbutié et à peine audible, en réponse aux allocutions et à la remise de cadeaux souvenirs.

Depuis ce soir-là, elle se replonge sans doute dans la méditation de l’évangile et tombera sur le passage :
« Si le grain de blé tombé
en terre ne meurt, il reste seul.
Mais s’il meurt, il porte
beaucoup de fruit. » (Jn 12, 24)
Centre social d’aide aux immigrants CSAI
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