mercredi 26 septembre 2007

Le Québec «intègre mal» ses immigrés




Le mercredi 26 sept 2007

Caroline Touzin
La Presse
Saint-Jérôme

Déçus par le Québec, des immigrés musulmans se radicalisent dans les mosquées. Et ce n'est pas seulement de leur faute. «C'est la faute de nos structures d'accueil incapables de répondre aux besoins de ces gens.» Et s'il y a des mariages forcés dans certaines communautés installées au Québec, c'est aussi parce que le Québec «intègre mal» ses immigrés.

C'est ce qu'a déploré une travailleuse sociale, Line Chaloux, responsable d'un organisme d'intégration des nouveaux arrivants dans les Laurentides. Mme Chaloux est l'une des 30 personnes venues présenter un mémoire ou un témoignage, hier, à la Commission sur les accommodements raisonnables à Saint-Jérôme.

Depuis les débuts de l'organisme, le Coffret, il y a 16 ans, Mme Chaloux a connu cinq ou six cas de mariage forcé dans la région. «Ces femmes n'ont pas le choix, elles seront reniées par leur famille si elles refusent», a-t-elle déploré.

Le Québec doit cesser «d'arnaquer» ses immigrants en leur faisant miroiter qu'ils pourront travailler dans leur domaine, a ajouté la femme de 49 ans qui aide quelque 3000 immigrés. Pour elle, les ordres professionnels du Québec sont «paternalistes et protectionnistes» en reconnaissant trop peu de diplômes obtenus à l'étranger. «Ce n'est pas deux ou trois personnes par an. Ce sont des milliers de personnes dont on ne reconnaît pas les papiers. Ensuite, on se surprend qu'ils se révoltent.»

Robert Molenge, ingénieur québécois de 34 ans originaire du Congo (ex-Zaïre), est venu confirmer les propos de Mme Chaloux. «Les immigrants vivent des drames. Mon cousin, ingénieur chef de service dans notre pays, a dû refaire sa scolarité ici. Quatre ans d'université», a-t-il expliqué. Pour lui, il est clair que les «intégristes d'ici vont instrumentaliser les frustrations des hommes et des femmes dont on ne reconnaît pas les compétences».

Les Laurentides manquent de ressources pour accueillir des immigrants, a aussi expliqué Mme Chaloux. La région n'a pas de classe d'accueil pour les enfants des nouveaux arrivants. Le programme gouvernemental qui lui permettait de faire des jumelages entre des familles d'immigrants et des Québécois de souche n'existe plus.

Un organisme des Basses-Laurentides en faveur d'une plus grande immigration dans la région a aussi souligné des embûches. ABL Accès Accueil Action fait visiter la région à des immigrants de Montréal pour les attirer. «On sollicite la collaboration d'entreprises. Celles qui collaborent le plus sont dirigées par des immigrés. La porte n'est pas nécessairement ouverte dans les entreprises de Québécois de souche», a déploré Alain Marginean, d'ABL, qui est aussi l'un des directeurs au cégep Lionel-Groulx à Sainte-Thérèse.

Une immigrée de la région, Lidia Quintana, a proposé une charte de droits et d'obligations des immigrants, «avant que la problématique des accommodements ne dégénère». «Je dois avouer que je suis vraiment gênée de la façon dont certains immigrants vivent», a raconté la mère de famille. Elle est la soeur de Carmen Quintana, brûlée et battue par des militaires lors d'une manifestation anti-Pinochet au Chili. Carmen, qui avait alors 18 ans, est venue se faire soigner à Québec, accompagnée notamment de Lidia.

Un gestionnaire à la retraite, qui a fait toute sa carrière dans la fonction publique, Gilles Lacoste, a quant à lui proposé de facturer le coût des accommodements au demandeur. «On ne devrait pas être intimidés par ça», a-t-il soutenu.

La Commission se déplace aujourd'hui vers Joliette, dans Lanaudière.

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