mercredi 28 novembre 2007

À quand les classes d’accueil pour parents immigrants ?

Véronique TARDIVEL

Cet automne (*) devait avoir lieu la mise en place du nouveau plan d’action interculturel de la CSDM. Un mois après la rentrée scolaire, où en sommes-nous ?
Adoptée lors de consultations publiques en mai dernier, la nouvelle politique interculturelle de la commission scolaire montréalaise donnait le coup d’envoi pour le développement de stratégies concrètes afin d’améliorer l’intégration des élèves et des parents issus de l’immigration. Un million de dollars a été dégagé cette année pour appuyer ces initiatives.

"Je me souviens étant jeune, lors d’une sortie à la cabane à sucre, d’avoir amené mon lunch croyant que nous allions faire un pique-nique dans les bois."


La CSDM présente une mosaïque interculturelle unique et un défi d’intégration de taille. Sur les 73 000 écoliers qu’elle accueille annuellement, 50 % ne parlent ni le français ni l’anglais à la maison. Ces jeunes proviennent de 180 pays et, ensemble, maîtrisent quelques 150 langues et dialectes. Que cette nouvelle politique amène un vent de fraîcheur au sein de la population enseignante et des divers organismes et communautés culturelles n’a rien d’étonnant. Les besoins d’une meilleure communication et compréhension mutuelle entre les parents et l’école se font de plus en plus ressentir.

« Je me souviens étant jeune, lors d’une sortie à la cabane à sucre, d’avoir amené mon lunch croyant que nous allions faire un pique-nique dans les bois. Sur le coup, c’était embarrassant, mais imaginez-vous le trouble pour les parents nouvellement arrivés lorsqu’il est question d’inscription, de transport scolaire ou encore de service de garde ! » Originaire de la Hongrie et arrivé au Québec à l’âge de 11 ans, Akos Verboczy est maintenant commissaire scolaire de son quartier d’adoption, Wesmount/Côte-des-neiges. En tant que président du comité des relations interculturelles de la CSDM, qui a initié cette nouvelle politique d’intégration, son cheminement personnel lui apporte une expertise et lui confirme l’urgence d’agir : « Je représente la génération des enfants de la loi 101 qui habitent et qui aiment Montréal. » Monsieur Verboczy est conscient des nombreuses problématiques entourant la réussite scolaire des nouveaux élèves issus des différentes communautés.
Enseignante au secondaire depuis quinze ans à la CSDM, Jasmine Langevin est confrontée chaque jour à de nouvelles réalités. Selon elle, le plan d’action arrive à point : « Le visage du réseau montréalais de l’éducation a changé énormément depuis les sept dernière années. Il est courant de devoir communiquer avec les parents pour leur expliquer l’importance de fournir à leur enfant le matériel scolaire nécessaire, ou même de voir un jeune servir d’interprète lors des rencontres avec les parents. »

Les projets évoqués par la nouvelle politique interculturelle sont variés : cela va de la distribution de fiches d'information sur le système scolaire québécois à l'utilisation du service de garde comme manière de personnaliser le lien avec les parents. On prévoit des formations à composante interculturelle pour le personnel enseignant ainsi que des cours de francisation pour les parents qui pourraient prendre la forme originale de classes d’accueil.

"Il est important pour nous, société d'accueil, de nous affirmer."


Durant les consultations publiques du printemps dernier, les parents ont exprimé le besoin d’être mieux initiés aux valeurs et la culture québécoise. Monsieur Verboczy mentionne « qu’il est important pour nous, la société d’accueil, de nous affirmer et de promouvoir notre patrimoine auprès des autres cultures ». Aussi, les membres de son comité se penchent actuellement sur la problématique de l’explication des bulletins : « Ce n’est pas tout de traduire le jargon technique, il faut mentionner les motivations et la philosophie derrière nos modes d’évaluation et ce, tout en restant ouvert aux échanges et aux commentaires constructifs ». Ces classes pour parents immigrants auraient alors pour objectif de leur offrir une meilleure compréhension du système d’éducation québécois dans son ensemble.

Des idées, donc, ce n’est pas ça qui manque ! Mais quand et comment verrons-nous se concrétiser ces stratégies ?

« L’enveloppe de un million de dollars sera répartie par quartier et par projet. » Akos Verboczy souligne que cette formule de budget participatif décentralise le pouvoir et le remet entre les mains des parents et des responsables de quartier. « Au début de janvier prochain, les comités de quartier formés respectivement du commissaire et des représentants du conseil d’établissement de chaque école, habituellement un parent et un membre de la direction, seront en mesure de pouvoir présenter leurs idées. Notre défi sera de veiller à ce qu’ils travaillent ! »

"Ces nouveaux professeurs comprennent davantage la réalité des jeunes d'origines diverses."


Le commissaire est confiant quant à la réalisation du plan d’action et cite en exemple l’application de la politique d’accès à l’égalité en matière d’embauche. Elle est entrée en vigueur en 2005 et ses effets se font déjà ressentir. À l'heure actuelle, 12 % des employés de la commission scolaire proviennent de minorités ethniques visibles, un pourcentage qui tend à augmenter.
« Cette année, à l’école, il y a une suppléante qui porte le voile et un enseignant Haïtien a également été engagé ». Cette meilleure représentation élèves-enseignants rend Madame Langevin, confiante. « Ces nouveaux professeurs comprennent davantage la réalité des jeunes d’origines diverses. En plus de parler leur langue et de connaître leurs valeurs, ils sont des modèles de réussite ».

Sachant que cette année Montréal recevra 48 000 nouveaux venus, la mise en application de la politique interculturelle de la CSDM reflète une réalité et un besoin criant qui étaient jusqu’alors peu documentés en milieu scolaire. Elle vient appuyer un mouvement de plus en plus important d’initiatives favorables au développement de relations interculturelles harmonieuses. Pensons au projet de jumelage entre immigrants et Québécois, aux festivals et événements à saveurs multiculturelles ou encore à des projets d’éducation des jeunes aux droits humains comme celui d’Équitas. Présentement, la reconnaissance des équivalences de diplômes des nouveaux arrivants, la représentativité politique, l’application de mesures contre le racisme et la discrimination, sont autant de thèmes et de débats quotidiennement abordés par les médias et par les différents niveaux de paliers politiques. Soit, la CSDM se colle à notre nouvelle réalité de société plurielle et prend le virage à temps.

(*)Cet article est paru dans l'édition Automne 2006 du Jumelé