mardi 29 janvier 2008

Hiver 2008: Nouvelle édition !



Dossier spécial:
Peuples autochtones


avec les chroniques habituelles:
Culture, Individus et société, Rencontre spéciale, Emploi, Saviez-vous que, etc.

Au sommaire:



1. Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones,
Une feuille de route pour l'avenir, par Marie Léger

2. Ces peuples invisibles mais pourtant là..., par Marie-Pierre Bousquet

3. Richard Desjardins: "Je viens du même pays qu'eux autres", par Martin Dufresne

4. Contre notre pauvreté collective,
Femmes autochtones, par Robin Couture

5. Les Premières Nations s'organisent, par Benjamin Vachet

6. Le pouvoir des Fleurs, par Benjamin Vachet

7. Imaginer sa vie et reprendre sa fierté,
Croire au tambour et en sa langue, par Blandine Philippe

8. "Notre" Québec: Mes "Indiens" et "les Autres", par Giovanni Fiorino

9. Conte Nipaiamiau tipatshimum mak ussipupun, par Germaine Mesténapéo

10. Journal de bord chez les Cris, par Amélie Thivierge

11. Un peuple à effacer,
Tuer l'Indien au coeur de l'enfant, par Johanne Pelletier

12. La Rencontre,
Écrire une histoire différente, par Jean-Louis Fontaine et Josée Laflamme


Également dans cette édition:


. En emploi dans le secteur manufacturier à Montréal,
Le difficile combat des femmes immigrantes universitaires, par Nadia Lakrouz

. De la buanderie au poste de directeur général,
Khiem Dao, une histoire d'amour avec Sainte-Justine, par Paule Des Rivières

. De la brousse africaine au Québec profond,
Quand le djembé ragaillardit le ruine-babines, par Frans Van Dun

. Dans la Tour de Babel montréalaise,
Perspectives d'un interprète en milieu social, par Bülent Erdogan

. Faire le choix entre société d'accueil ou société accueillante ?, par Mylène Gauthier

. Accueil des nouveaux-arrivants,
Formation intégration, par Benjamin Vachet

. Enjeux et défis de la laïcité dans l'éducation, par Louise Stafford

. Hi Bridée et Orientité, par Mihee-Nathalie Lemoine


Comment vous procurer le Jumelé ?



Au bureau de la TCRI, 518, rue Beaubien Est, à Montréal.
À l'un de nos 125 points de dépôt gratuits, liste à http://www.tcri.qc.ca/jumele.html
Sur abonnement, à votre adresse, détails à http://www.tcri.qc.ca/jumele.html

Le JUMELÉ, à la croisée des cultures, souhaite ouvrir un dialogue entre les personnes immigrantes et celles issues de la société d'accueil.
Il vise à encourager la tolérance en matière de pluralité sociale, culturelle, religieuse, historique et coutumière.
Pour toute communication avec le Jumelé, écrire à lejumele@tcri.qc.ca ou téléphoner au 514-272-6060 poste 209.

lundi 21 janvier 2008

Dans cet espace web...

Bienvenue sur ce nouveau blog !

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Nous vous invitons à parcourir les pages déjà actives et à revenir régulièrement nous visiter.
À ce jour:

86 pages

en ligne dont

56 articles

illustrés de photos et de références et

2 reportages vidéos


Le JUMELÉ, à la croisée des cultures est une publication trimestrielle grand public imprimée à 8 000 exemplaires. Elle se distingue en tant que média alternatif, seul en son genre à traiter exclusivement de la question des relations interculturelles au Québec et accessible via un réseau de 125 points de dépôts.

Pour en savoir plus, cliquer ICI




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Le JUMELÉ, à la croisée des cultures
518, rue Beaubien Est
Montréal (Qc) H2S 1S5
Tél.: 514-272-6060 poste 209
Courriel: lejumele@tcri.qc.ca

Pour consulter les versions intégrales du Jumelé, sous format pdf imprimable, cliquer sur cet autre lien ici

Le JUMELÉ, à la croisée des cultures prépare sa prochaine édition attendue pour avril 2008.


L'édition Printemps 2008 sera tirée à 10 000 exemplaires distribués à travers un réseau de 125 points de dépôt sur l'Île de Montréal et à plusieurs centaines d'abonnés et d'institutions dans les différentes régions du Québec.
Cette prochaine édition s'offre d'accueillir des textes en lien avec les rubrique habituelles:

Famille; Enfants; Aînés; Femmes; Hommes; Culture; Emploi; Actions communautaires;Histoire; Régions; Portrait; Coup de gueule; Intégration linguistique; Bons coups.

Un dossier spécial y est également attendu.

Date de tombée de réception des textes:
Lundi 3 mars 2008.



Format des textes proposés:
700 mots (ou 2 feuillets).

Genres:
Les textes peuvent prendre l'une ou l'autre des formes suivantes:
article, entrevue, témoignage, note d'humeur, communiqué, nouvelle, récit, pensée, critique, résumé de recherche, etc.

Précisions:
Nous offrons relectures, corrections, conseils et soutien à la recherche selon les besoins.
Un comité d'orientation valide l'admissibilité des textes présentés afin d'assurer qu'ils répondent à la mission du Jumelé.
Édité par deux organismes à but non lucratif (TCRI et SEIIM), Le Jumelé ne bénéficie d'aucun financement public:
il poursuit sa mission grâce à ses abonnés et à des fonds privés (Fondation Alex & Ruth Dworkin).
Les collaborateurs et collaboratrices le sont sur une base volontaire.

Pour toute demande d'information ou pour envoyer vos textes:

Courriel: lejumele@tcri.qc.ca
Téléphone: (514) 272-6060 poste 209

En vous remerciant de votre attention !

Collaborations



Le Jumelé ne saurait exister sans l'étroite contribution de collaborateurs bénévoles.
Depuis deux ans, 76 femmes et hommes, de divers horizons et compétences professionnelles, se sont impliqués au sein du Jumelé en y apportant leur contribution rédactionnelle. Un gros merci !

Les liens actifs vers une courte biographie et les articles de chacun-e des collaborateurs-trices sont progressivement mis en ligne.

»ALTAMIRANO, Christian
»ARMAND, Françoise
»AUGENFELD, Rivka [comité d'orientation]
BEAUCHESNE, Marie
BÉRUBÉ, Hélène [comité d'orientation]
»BOUCHER, France
BOUSQUET, Marie-Pierre
»CARETTE, Jean
CATHER, Christian
CHAMPAGNE, Stéphane
CHERGUI, Yamina
COUTURE, Robin
D'ANJOU, Catherine
»D'ETCHEVERRY, Jean-Luc
DAOUZLI, Slim
DEDEK, Nicolas
DESRIVIÈRES, Paule
DJABELKHIR, Nabil
DUFRESNE, Martin
EL-HAGE, Habib
EL-YAMANI, Myriame
ERDOGAN, Bülent
FIORINO, Giovanni [comité d'orientation]
FONTAINE, Jean-Louis
FRANÇOIS, Mathieu
GARÇON, Myriam
GAUTHIER, Mylène
GAUVREAU, Catherine
»GAVARD, Isabelle
»GOSSELIN, Gabriel
GOUDREAU, Alain
GRAVEL, Estelle
Guay, Lorraine
ICART, Jean-Claude
»KNEALE, Laura
KOUAMY, Annie
»KOUAOU, Ahmed
LAFLAMME, Josée
LAKROUZ, Nadia
»LALIBERTÉ, Annie
»LAMOUREUX, Jocelyne
»LANOUETTE-TURGEON, Anouk
LÉGER, Marie
LEFEBVRE, Orkia
MARAILLET, Érica
MARSAIS, Jérôme
MERROUNI, Mekki
MESTÉNAPÉO, Germaine
MUZINGA, Ignace
N'SENGA, Didier
NGIRUMPATSE, Pauline
NOGUÈS, Aline
OTIS, Denise
OUAKNINE, Léon
PAGÉ, Véronique
PELLETIER, Johanne
PHILIPPE, Annick
»PHILIPPE, Blandine [réd. en chef / comité d'orientation]
PICHETTE-NEVEU, Arianne
REICHHOLD, Stephan
ROUSSEL, Jean-François
RUFAGARI, Marie-Claire
SALLENAVE, Florence
SASSA, Diolément
SIVALINGAM, Harini
STAFFORD, Louise
TARDIVEL, Véronique
»THIBAULT, Sylvain [comité d'orientation]
THIVIERGE, Amélie
THOMSEN, Kurt-Anders
»TREMBLAY, Monique
»TRUCHON, Karoline
VACHET, Benjamin
»VAN DUN, Frans [comité d'orientation]
»YVES, Placide
ZIOUCHE, Zahia

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dimanche 20 janvier 2008

À la fois porteur de malheur et de bonheur
Le rendez-vous


ZAHIA ZIOUCHE


Ce mot ou plus exactement cette expression composée de deux mots, évoque en moi une multitude de pensées et de souvenirs. Lorsque j’étais plus jeune et que je l’entendais, je regardais tout de suite autour de moi pour voir et comprendre la suite qu’il impliquait. Traduit en paroles, le mot rendez-vous pouvait à la limite être prononcé pour désigner un rendez-vous médical mais pas plus. Il n’était surtout pas permis d’être prononcé par une fille, devant un père ou un frère. C’était presque comme un péché ou un blasphème. L’usage de certains termes au sein de la famille avait des limites que les femmes devaient se garder de franchir. Or, merveilleusement nous l’enveloppions de mille petits soins, dans nos secrets de filles. Nous nous le partagions discrètement quand l’amour était au rendez-vous. C’était donc l’interdit qui remplissait nos moments les plus heureux. Il accompagnait nos discussions furtives, voire emmitouflées. Ce mot devenait alors magique et nous procurait des joies intenses. Il représentait l’espoir d’une rencontre entre deux cœurs amoureux. Malheureusement, il fallait livrer un combat qui défiait les dures lois d’une société sans pitié, pour les femmes en particulier.

Aujourd`hui, et même si je peux en disposer et en user, en toute liberté, j’éprouve encore une certaine appréhension inconsciente. Une résonance profonde qui provoque en moi des sensations dérangeantes et incompréhensibles. Il faut croire que certains souvenirs de notre subconscient restent intenses. Leur influence aura marqué notre âge le plus tendre et les cicatrices sont parfois indélébiles.

En compagnie de mes amies filles, nous prenions inlassablement le droit de chuchoter ce mot péché. Il était pour nous, à la fois, porteur de malheur et de bonheur. Nous défiions toutes les lois. Cependant, gare à celle qui avait l’audace de le laisser entendre haut et fort autour d’elle. Elle pouvait risquer de ne jamais plus mettre le nez dehors sans escorte. Se voir même emprisonnée et privée d’étudier. Elle pouvait risquer de se retrouver mariée plus tôt que prévu et au premier prétendant qui se présentait.

Et pourtant, entre nous, nous partagions ce mot secret, affectueusement et secrètement, dans l’intimité totale. Il était le symbole de nos rêves de jeunes filles. Il nous transportait dans un monde inaccessible. Grâce à lui, nous voyagions à travers les merveilles du monde imaginaire, vers des amours impossibles et imprudents. Il nous permettait d’étancher notre soif des plaisirs et des fantasmes que tout être humain avait le droit d’atteindre.

Nous devions communiquer entre nous par le geste ou l’écriture d’un petit mot secret, écrit par la main d’un amoureux transis mais qui gardait encore l’espoir de rencontrer sa dulcinée. Parfois, un minuscule bout de papier avait subi mille et un dommages avant d’arriver entre les mains de la belle. Celle-ci, souvent au risque de sa vie, arrivait à déchiffrer l’endroit désigné par le mot interdit. Son rendez-vous fatal avec l’amour et la passion. Bref, que d’histoires heureuses et malheureuses ont tourné autour de ce mot qui continue d’exister et semble même éternel.

Je finirai mon récit en me rappelant d’un proverbe qui me plait énormément car il m’inspire beaucoup d’espoir et de patience : peut être qu’une rencontre fortuite vaut mieux que mille rendez-vous…

Cet article est paru dans l'édition automne 2007 du Jumelé

Vivre ensemble égaux/égales et différentEs
Un défi d’abord politique


LORRAINE GUAY

Une grande partie de l’actualité médiatique est actuellement braquée sur la Commission Bouchard-Taylor et sur les audiences qui s’y succèdent depuis bientôt un mois. Tous ceux qui avaient critiqué vertement la tenue de cette commission commencent maintenant à en percevoir quelque mérite. Elle pourrait même constituer, selon certains, «notre plus belle revanche collective» sur Bib Brother, cette force occulte qui manipule les fils de citoyenNEs devenus marionnettes. Il sera en effet très difficile pour les décideurs politiques de faire fi d’un tel forum citoyen. Encore faut-il que tous et toutes y participent, malgré ses lacunes évidentes : aucune femme dans la co-présidence et aucunE représentantEs des milieux issus de la diversité ethno-culturelle ce qui a fait dire à plusieurs, et avec raison, qu’il s’agit d’une commission de Blancs pour Blancs. Raison de plus pour renverser la vapeur et investir massivement cet espace de parole publique.

Un des constats majeurs –et extrêmement prometteur- qui se dégagent des opinions émises, c’est que l’homogénéité n’existe pas…un truisme sans doute mais que plusieurs découvrent à leur grande surprise. Tous les citoyenNEs qui interviennent dans le cadre de la Commission ne partagent pas nécessairement les mêmes analyses de la situation ni les mêmes perspectives.
Au-delà de la seule question des accommodements raisonnables dont on mesure de plus en plus qu’ils ne constituent pas cet épouvantail monté en épingle par des démagogues patentés et relayés avec complaisance par certains médias, ce que les audiences de cette commission mettent en évidence, c’est le pluralisme politique de la société québécoise et pas seulement sa diversité culturelle ou religieuse.

Et l’interrogation fondamentale du «vivre ensemble égaux/égales et différentEs» auquel sont confrontées toutes les sociétés – pas seulement les sociétés occidentales mais également les sociétés africaines, asiatiques, latino-américaines, etc. – relève essentiellement du politique. Comment vivre ensemble dans l’égalité des droits et les différences d’histoires, de cultures, de langues, de religions, d’orientations sexuelles, etc. ? Laissés à eux-mêmes les humains ont tendance à se replier sur leur communauté, à vivre en ghetto, majoritaire ou minoritaire, peu importe. En effet, «il n’est ni naturel ni inné de considérer les êtres humains comme égaux, d’affirmer que toute personne participe à l’énoncé de la loi, que la liberté est le premier bien de l’humanité et l’ouverture aux autres une condition privilégiée de son existence, que la solidarité reste une valeur et qu’elle ne se limite pas à son groupe, son clan, sa tribu, sa communauté, sa nation». Seuls le travail politique et la délibération dans l’espace public démocratique permettent d’en faire l’apprentissage.

D’où l’importance de poser la question du vivre ensemble en lien avec le monde dans lequel nous vivons, un monde dont le système économique et politique est très massivement capitaliste, patriarcal et raciste pour reprendre la manière dont la Marche mondiale des femmes le qualifiait; un monde où les droites sont au pouvoir presque partout en Occident et où plusieurs régimes intégristes ou dictatoriaux se maintiennent en Asie et au Moyen-Orient. Loin d’apporter des réponses à l’interrogation du «vivre ensemble», ces régimes creusent des fossés et nous éloignent les uns des autres. «Martèlement des thèmes de « l’identité nationale», de l’insécurité, de l’immigration, mobilisation des «armées de Dieu» au service des valeurs morales traditionnelles et du retour à l’autorité : plus les inégalités se creusent, plus la droite, détournant le regard (le sien et celui des autres) invoque comme référence centrale les «identités» culturelles, ethniques, religieuses. .

Et quand on pose ces questions, tous et toutes, personnes réfugiées et immigrantes, québécois dits «de souche», francophones, anglophones, toutes religions et couleurs confondues, nous nous retrouvons sur le même terrain, celui du pluralisme politique, là où se jouent les grandes orientations politiques pour faire face aux défis qui sont les nôtres. Les lignes de démarcation traversent ici les cultures et les religions quoique la religion a un impact indéniable sur les orientations politiques selon que les croyantEs appartiennent au courant fondamentaliste chrétien, juif, musulman, hindou, etc. ou à son courant réformateur voire progressiste. Ainsi, toutes ces religions pratiquent la discrimination envers les femmes. L’influence dominante du catholicisme au Québec pendant de nombreuses décennies a retardé l’émancipation des femmes et cette émancipation s’est largement réalisée contre l’Église et ses enseignements, une tâche non encore achevée d’ailleurs…quand on voit les parents catholiques repartir à l’assaut de l’école. On retrouve les mêmes freins du côté des musulmans intégristes ou des chrétien fondamentalistes à la Bush.

De même quand on pose la question du système socio-économique dans lequel nous vivons, nous constatons que la majorité adhère à une forme ou l’autre de capitalisme néolibéral, certains optant pour sa version «pure et dure» à la Tatcher/Reagan/Harper/Bush/Harris, un certain nombre pour des formes plus «modérées» de social démocratie alors qu’une minorité s’est activement engagée dans des combats pour un «autre monde», contre le capitalisme, le patriarcat et le racisme. Au Québec les options souverainiste et fédéraliste se jouxtent à ces clivages.

Ce sont donc aussi ces orientations politiques qui constituent la toile de fond des débats actuels et qui mettent en lumière des alliances et des confrontations qui transcendent les identités culturelles et les religions. Ainsi de nombreuses personnes immigrantes rejoignent les rangs de la majorité dans leur appui inconditionnel à un système qui perpétue les injustices; plusieurs, voulant avec raison améliorer leur condition économique, trouvent dans les orientations néolibérales de l’Amérique du Nord la seule voie de sortie de la pauvreté et de l’accès à la richesse; plusieurs sont d’accord avec la privatisation du système de santé et d’éducation; plusieurs voient d’un très mauvais œil la présence envahissante de l’État dans la vie des citoyenNEs et l’associent au spectre du socialisme, etc. Bref, immigrantEs, membres de groupes religieux et membres de la société d’accueil s’entendent comme larrons en foire quand vient le temps de soutenir un système néolibéral. C’est d’ailleurs dans ce système que la plupart veulent s’intégrer…comme la majorité des membres de la société d’accueil.

Pour faire face aux défis du «vivre ensemble égaux/égales et différentEs», ce n’est pas d’accommodements avec le système en place que nous avons besoin, mais de rupture radicale et de construction d’alliances nouvelles pour «l’avenir du Québec et du monde» comme nous y invitait l’Assemblée des mouvements sociaux le 26 août dernier dans le cadre du premier Forum social québécois.

Cet article est paru dans l'édition Automne 2007 du Jumelé

Hommes en difficulté et communautés ethnoculturelles :
une autre perspective


JEAN-FRANÇOIS ROUSSEL


« Pendant longtemps dans l’interculturel on s’intéressait beaucoup au choc des nouveaux arrivants. Nous on a arrêté. On s’intéresse au choc des professionnels. Ce qui est problématique dans l’intervention c’est que lorsqu’ils sont en choc, ils se retrouvent dans une situation où se sentant menacés, ils se protègent. Et en se protégeant ils sont dans une position de fermeture où il est très difficile de voir les autres réalités. »

Voilà les paroles d’une travailleuse sociale, d’origine africaine. Non, elle ne parlait pas de propos entendus à la Commission Bouchard-Taylor!
Elle s’adressait plutôt à un auditoire de « Québécois d’origine française » lors d’un colloque sur « Les enjeux interculturels de l’intervention auprès des hommes en difficulté ». Avec la précieuse et intense collaboration de l’Institut interculturel de Montréal, j’ai voulu organiser 4 colloques sur ce thème. Ils ont eu lieu au cours de l’année dernière et nous travaillons actuellement à la publication de certaines des interventions faites alors.

Nous avons choisi de donner la parole à des membres experts de quatre aires culturelles minoritaires au Québec : sud-asiatique, subsaharienne, arabo-musulmane et autochtone.

Que de savants colloques sur la diversité culturelle d’où sont absents ceux et celles dont on parle, les membres de minorités culturelles! Nous souhaitions un changement de perspective : au lieu de réfléchir à ce qui fait problème aux yeux de la majorité caucasienne, de culture historiquement judéo-chrétienne et aujourd’hui se voulant laïque, écouter des membres de minorités nous présenter ce qui pour eux fait problème.

La question de la condition masculine (santé des hommes, condition psychosociale, vie de couple, paternité, violence, vieillissement, etc.) fait l’objet d’un intérêt croissant dans les institutions publiques. Beaucoup d’hommes en difficulté passent au travers des mailles du réseau d’aide qui pourrait les aider en cas de crise. Cela suggère que les services d’aide aux hommes ne sont pas aussi adéquats qu’ils le devraient. Comment les améliorer? Un aspect du problème concerne les hommes de minorités immigrantes et autochtones, en raison de l’écart culturel.

Des experts des diverses aires culturelles sont venus s’adresser ainsi à un auditoire assidu, composé essentiellement de travailleurs sociaux, chercheurs en sciences sociales, gestionnaires et intervenants du réseau québécois des services sociaux et de santé. Des dialogues francs et ouverts ont été amorcés.

Ces rencontres ont révélé chez la plupart des participants une conscience des présupposés qu’ils traînent avec eux dans leurs interventions et questionnements. Inutile de reprendre ici les préjugés qui entourent les hommes des aires culturelles concernées, « arabo-musulmane » ou autochtone par exemple; ces préjugés ont été abordés et largement démontés. D’autres préjugés sont apparus, qui concernent plutôt la manière dont les intervenants perçoivent leur travail :
• les approches employées dans le réseau d’aide aux hommes en difficulté vont de soi;
• les valeurs québécoises découlent d’une évolution historique nécessaire et libératrice pour tous et toutes, peu importe l’origine ethnique;
• « intégrer » l’immigrant (auquel on assimile l’autochtone!), c’est l’aider;
• la religion est une affaire privée, plus ou moins le reliquat traîné par l’immigrant et auquel il tient encore faute d’une intégration complétée.

En somme, la culture québécoise, égalitaire, axée sur le projet de vie individuel, affranchie de la religion, est une culture avancée à laquelle des minorités culturelles retardataires gagneraient à s’intégrer.

Non seulement nos colloques ont-ils fait prendre conscience à plusieurs des effets négatifs de tels préjugés sur ceux qu’on tente d’aider, et dont on regrette parfois la résistance; mais plusieurs se sont vus renvoyés à eux-mêmes, à leur propre situation et aux limites de celle-ci : celle de membres d’une « communauté culturelle » qui s’ignore parfois, surtout dans les gestes les plus habituels, et qui fait face à ses propres problèmes sociaux et fragilités culturelles. « Nous » avons tendance à nous donner pour normaux, voire même pour normatifs. Les rencontres nous ont placés devant une tout autre perspective :

Tout un « choc » pour des intervenants; tout un questionnement à faire, inquiétant mais ô combien nécessaire pour une société culturellement diversifiée.

À l’Assomption pure laine
Sous l’arbre à palabres


FRANS VAN DUN

Au printemps de cette année, il est arrivé un événement surprenant au centre-ville de L’Assomption, notre bourgade conviviale entourée de la rivière qui porte le même nom. Cette presqu’île se situe sur la Rive Nord, près de la 40, juste à l’extérieur de la grande banlieue de Montréal où beaucoup de nos concitoyens partent tous les matins avec leur boîte à lunch tandis que des Montréalais font la route inverse. Toutefois, aux yeux des immigrés, installés à Montréal, quitter l’île et traverser la Rivière-des-Prairies, c’est se perdre au bout du monde. Pourquoi préfèrent-ils rester coincés dans la métropole alors que nous aimerions les accueillir à bras ouverts ? Savent-ils seulement que plusieurs firmes ici affichent : « Nous embauchons »?

Donc, au printemps 07, une boutique exotique fait irruption sur le boulevard de L’Ange-Gardien, près des Bars du Portage. Il y avait là un magasin à chaussures dont le propriétaire, Michel, a pris sa retraite, laissant un local tristement désert, avec son affiche « À louer ».

Puis, un beau jour, sans préavis, la vitrine a complètement changé de look. Un étalagiste de métier a dû passer par là… Voyant ça, tu t’arrêtes, irrésistiblement, car les articles exposés chatouillent ton regard et taquinent ta curiosité. Tu te frottes les yeux : « Est-ce que je suis bien à l’Assomption pure laine et non pas sur la rue St-Denis à Montréal ? » Voilà des étoffes aux couleurs chatoyantes, des batiks, un djembé, une lance, des masques qui te dévisagent et des bijoux étincelants.

Un peu gêné, tu pousses la porte de cette boutique appelée Sous l’arbre à palabres. Une vraie caverne d’Ali Baba ! Voilà le maître des lieux qui t’accueille : un Africain originaire du Cameroun, un vrai, noir foncé, beau, calme, souriant. Tiens, tu te sens attendu.

Tu commences par promener ton regard partout, tu risques une petite question et voilà que monsieur Léopold te répond avec un plaisir évident et une abondance de détails. Mais aucunement question de vente sous pression.

Tu m’en as parlé et j’y suis allé à mon tour. Entretemps, ma femme a commencé à suivre des cours de tam-tam chez lui. Grâce à ce contact, j’ai accès à l’arrière-boutique, lieu à palabres. En bon journaliste, je tâte le terrain. Pas besoin d’insister. Léopold jase d’abondance… Cet homme s’approche de la quarantaine et sa vie est déjà un long fleuve à rapides turbulents. Il conte comme il respire, et je sors de chez lui ébahi, après un plongeon dans un autre univers.

Un jour proche, nous allons reprendre le fil de notre première palabre pour nous engager sur une seule piste à la fois. En attendant, il me reste une impression globale. Ainsi, j’ai appris que Léopold n’est pas le patron de cette boutique, c’est plutôt la FCDDA (la Fondation canadienne pour le développement durable de l’Afrique) dont il est la tête et le cœur. Cet organisme équitable rassemble des immigrants africains de la diaspora, bien intégrés au Québec, qui s’impliquent dans le développement de leur pays d’origine entre autres par la création de coopératives dans des villages. On y fabrique des produits d’artisanat expédiés ici et vendus à juste prix.

De plus, la FCDDA a commencé par tisser toutes sortes de liens avec des Africains là-bas à travers des échanges, stages d’étudiants, voyages, etc.

Attends notre prochaine palabre sous l’arbre, mais si tu veux en savoir plus tout de suite, saute sur le site web www.fcdda.org ou viens faire un tour à L’Assomption, au 337, boul. de l’Ange-Gardien. Par précaution, appelle à l’avance au (450) 589-0789. Tu verras, le goût de l’Afrique et le son du tam-tam ne te lâcheront plus !

Cet article est paru dans l'édition Automne 2007 du Jumelé.