vendredi 26 octobre 2007

Les coupes touchent les immigrants eux-mêmes

Le Devoir 25 octobre 2007
Lévesque, Kathleen

Les compressions de personnel au sein du ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles (MICC) touchent notamment des «groupes cibles», c'est-à-dire des immigrants.
Selon des membres du Syndicat de professionnels du gouvernement du Québec (SGPQ), plusieurs des postes qui ont été abolis il y a quelques semaines au sein du MICC étaient occupés jusque-là par des personnes issues de l'immigration. Ces dernières font partie des groupes cibles, tout comme les anglophones, les autochtones et les handicapés. Dans l'ensemble de la fonction publique québécoise, les immigrants (de langue maternelle autre que le français et de race autre que blanche) ne représentaient en 2005-06 (les derniers chiffres disponibles) que 3,5 % des employés.
Comme le révélait en début de semaine Le Devoir, l'équipe de fonctionnaires du MICC a été réduite de 11 %, soit 114 postes sur 1042. Au surplus, un effort a été réclamé des employés permanents pour qu'ils réduisent leur semaine de travail de 35 à 28 heures.
Le cabinet de la ministre responsable du dossier, Yolande James, confirme que cette demande concerne 27 employés. On maintient toujours que ces compressions n'ont aucun impact direct sur les services à la clientèle immigrante.
Le SGPQ s'inquiète toutefois de la situation, alors que le gouvernement a décidé d'accueillir 10 000 immigrants de plus par année à compter de 2008. «Il s'agit là d'une attitude tout à fait hypocrite de la part d'un gouvernement qui affirme que les immigrants représentent une richesse pour la population. Il est évident que l'état actuel des ressources ne permettra pas de réaliser les objectifs souhaités en matière d'accueil et d'intégration», a affirmé hier le président du SGPQ, Gilles Dussault.
Selon ce dernier, le MICC est incapable depuis deux ans d'atteindre les niveaux d'immigration établis compte tenu du manque d'effectifs, notamment dans les services de sélection à l'étranger.
Les professionnels ont participé hier à un comité paritaire pour obtenir des éclaircissements de la part de la direction du ministère. «A la suite de cette rencontre, d'autres personnes auraient été prévenues de compressions à venir et non annoncées», a indiqué le SGPQ.
Du côté de la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes (TCRI), on voit dans les coupes ministérielles la poursuite des premiers coups de hache donnés dès 2004 dans le dossier de l'immigration. Depuis, le MICC n'a plus de ressources en recherche et peine à établir un outil devant servir à la reddition de comptes des organismes subventionnés par le ministère.
«Ils ont saigné à blanc la machine. Avant, il y avait trois fonctionnaires pour un dossier et maintenant, c'est un fonctionnaire pour trois dossiers> », a soutenu Stephan Reichhold, porte-parole de la TCRI.
Pour M. Reichhold, la décision du MICC, imposée par le Conseil du trésor, est «pathétique». «Il y a un impact indirect sur les immigrants. N'importe quel gestionnaire éclairé peut confirmer que, si les opérations ne sont pas planifiées, évaluées et validées, un moment donné elles ne sont plus efficaces. Il y aura toujours quelqu'un au guichet, mais les dossiers seront-ils mis à jour par les informaticiens? On ne peut pas couper plus de 10 % des effectifs et dire que ça ne change rien!», fait valoir M. Reichhold.

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jeudi 25 octobre 2007

Dossiers spéciaux



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Emploi et milieux de travail (8 articles: en ligne !)

Défis et enjeux de l'interculturel (8 articles en ligne !)

Ethnicité et orientation sexuelle (6 articles en ligne !)

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Actualités médias
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Les coupes touchent les immigrants eux-mêmes
Le Devoir, 25 octobre 2007 >>>LIRE


La protectrice des ouvriers agricoles mexicains vaincue par le cancer
La Presse, 2 octobre 2007 >>>LIRE


Indignation face aux accusations portées contre une travailleuse humanitaire
Conseil canadien pour les réfugiés, 28 septembre 2007 >>>LIRE


L'immigration choisie au Canada
Émission la Planète, France 2 >>>VISIONNER


Immigrer au Canada
Chaîne culturelle ARTE >>>VISIONNER


Le Québec "intègre mal" ses immigrés
Caroline Touzin, La Presse, 26 septembre 2007 >>>LIRE

Québec veut réformer la gestion des services aux nouveaux arrivants
Tommy Chouinard, La Presse, 26 septembre 2007>>>LIRE

L'immigration et l'intégration au Québec:
trop peu, bien tard, il faut agir (25.09.2007) >>>LIRE

Le chômage des immigrés
Lysiane gagnon, La Presse, 22 septembre 2007 >>>LIRE

lundi 15 octobre 2007

Parution du nouveau Jumelé !

L'édition automne 2007 du Jumelé vient de paraître.


Dans ce numéro, une vingtaine de collaborateurs partagent leurs visions et leurs points de vue, leurs observations et leurs expériences au coeur de l'interculturalisme québecois.

Comment vous le procurer ?


> 120 points de dépôt
> sur abonnement
> Détails complets >>Ici

Sommaire:


1. Le dialogue des cultures au Québec:
oui, dans le respect de la laïcité des institutions publiques
par Léon Ouaknine.

2. Vivre ensemble égaux/égales et différentEs:
un défi d'abord politique
par Lorraine Guay.

3. Hommes en difficulté et communautés ethnoculturelles:
une autre perspective
par Jean-François Roussel.

4. Ces pères d'ailleurs:
comment vont-ils ?
par Anouk Lanouette-Turgeon.

5. Répandre des valeurs communes pour valoriser les enfants exclus
par Laura Kneale.

6. Devenir soi-même dans une autre langue
par Frans Van Dun.

7. La petite fille de Monsieur Linh
par Blandine Philippe.

8. Femmes immigrantes et femmes québécoises:
sommes-nous si différentes ?
par Mylène Gauthier.

9. À la fois porteur de malheur et de bonheur:
le rendez-vous
par Zahia Ziouche.

10. Politiques d'immigrations restrictives:
catalyseur pour la traite des femmes et des jeunes filles
par Catherine Gauvreau.

11. On rêvait d'un troisième millénaire humaniste:
aller jusqu'au bout à présent
par Diolément Sassa.

12. Il était une fois ou il n'était pas:
Myriame El Yamani, passeuse d'histoires
par Blandine Philippe.

13. L'Île des sentiments
par Myriame El Yamani.

14. À l'Assomption pure laine:
sous l'arbre à palabres
par Frans Van Dun.

15. Immigration en région éloignée:
À beau venir qui part de loin,
par Marie Beauchesne.

16. Entre le voile et le foulard:
soyons raisonnables avec les accommodements
par Slim Daouzli.

17. Nous, Euro-québécois
par Martin Dufresne.

18. Je me souviens... mais je me demande aussi...
par Pauline Ngirumpatse.

19. Codes et valeurs culturels respectifs:
médiation pour le maintien en emploi
par Isabelle Gavard.

20. Jardins collectifs
par Arianne Pichette-Neveu.

jeudi 11 octobre 2007

Un lundi au boulot à Kigali

Annie LALIBERTÉ

Être Rwandaise mais n'avoir jamais vécu au Rwanda... Quitter Montréal pour joindre l'Université nationale du Rwanda, de même qu'une radio locale, le temps de retouver ses racines... C'est là le choix audacieux qu'a fait Alyce, animatrice-journaliste, au sortir de ses études de science politique à l'UQAM. Petite histoire d'un grand retour...

La semaine a été rude pour Alyce. Après avoir animé une tribune publique sur les ondes de Contact Radio, elle a passé les trois derniers jours à négocier les thèmes des prochaines émissions avec le reste de l'équipe de Génération Grands Lacs, une production hebdomadaire unissant des jeunes du Congo, du Rwanda et du Burundi autour d'un grand projet : penser une paix durable dans une région décimée par des conflits contagieux. Alyce a dû sécher ses cours de journalisme pour en arriver à tout faire. " Je suis un bourreau de travail ". Quitte à hâter le pas...

"On me reproche de marcher trop vite. C'est perçu comme une offense ici. Mais on me pardonne ce petit côté canadien".



Alyce a passé la majeure partie de sa vie à suivre ses parents fonctionnaires internationaux un peu partout autour du globe, avant de s'installer au Canada en l'an 2000. L'an passé, elle s'amène pour des vacances rwandaises, dans un pays qu'elle sait encore hanté par le génocide de 1994. " J'avais en tête les mêmes images que les Occidentaux, je m'attendais à rencontrer des personnes traumatisées, à voir de la destruction partout. J'ai eu un choc quand j'ai vu les gens rire! " L'université nationale offrait un programme de journalisme novateur, en coopération avec des journalistes canadiens. Tentée par l'aventure, Alyce a adopté sa patrie pour trois ans. Elle n'a pas tardé à joindre Radio Salus, une jeune radio en pleine effervescence appuyée par l'UNESCO, et qui est l'une des quatre radios participantes au projet Génération Grands Lacs. Un média dans l'air du temps : de nombreux donateurs internationaux investissent dans la mise sur pied de médias de paix, après le choc causé par la condamnation de journalistes pour incitation au génocide. Les besoins en journalisme sont tels que le pays n'hésite pas à faire appel aux jeunes.

Les jeunes de l'extérieur sont ceux qui poussent le plus pour changer le visage du pays. Ils revendiquent encore plus leur appartenance rwandaise, je dirais!"

Mais le contact entre la diaspora de retour et les locaux ne va pas toujours de soi.

"Les gens de l'extérieur ont parfois mauvaise image, soupire Alyce, ce n'est pas toujours rose, mais ça valait la peine de venir. Beaucoup de projets lancés ici seraient extraordinaires s'ils pouvaient compter sur des gens compétents ". La compétence, elle est bien en voie de création, témoin cette ruée locale vers les études. Mais encore faut-il combler les besoins immédiats.

"Ce qui m'a fait déchanter au bout d'un an, c'est le manque d'ouverture d'esprit, comme si l'ouverture sur le monde était strictement liée aux investissements récoltés. Il faut changer les mentalités aussi : le premier truc qui m'a frappée, c'est l'autocensure ". Les tabous sont nombreux au Rwanda : émancipation des femmes, politique, ethnicité, sexualité, sans oublier l'homosexualité, soit le sujet qu'Alyce a choisi pour son premier article de journal à l'université ! " Je ne pensais pas qu'il finirait par être publié ! Il a fallu pour ça l'intervention du rédacteur en chef " se remémore-t-elle. Mais son profil de pigeon voyageur sied bien au milieu journalistique, très prisé par les enfants de la diaspora qui en viennent à penser " global ", en fonction d'un auditoire éclaté.

Beaucoup de jeunes se demandent ce que je fais ici.

J'avais besoin de savoir où étaient mes racines.

Oui, j'ai rencontré des difficultés, mais j'ai énormément appris sur moi-même. Je n'ai fait que ça ! "

Apprendre, c'est aussi découvrir que la souffrance départage. L'étranger, même rwandais, ne porte pas les stigmates de ceux qui ont connu la réalité du génocide. Est-ce pour cela que les locaux donnent des sobriquets aux gens de la diaspora, se qualifiant eux-mêmes de "soaps" comme autant de terrains glissants?

Alyce ne sait pas. Pas encore. Elle poursuit son apprentissage. " Comme je viens d'un peu partout, on ne m'a pas encore trouvé de surnom ! "

Ce samedi-là, la jeunesse des Grands Lacs était conviée à jaser " partage du pouvoir ", entre les mieux et les mal nantis, entre les élites et les laissés pour compte. Sur dix-sept intervenants, deux femmes, un peu timides. Et Alyce, de lancer avec dynamisme : "Enfin, des femmes qui s'expriment!"

Cet article est paru dans l'édition Été 2007 du Jumelé

La cravate

Nabil DJABELKHIR

Avant propos:
Le Jumelé a déjà évoqué dans ses pages les politiques et stratégies de séduction que nos gouvernements mettent en place à l’étranger pour attirer, chez nous, des immigrants détenteurs de qualifications professionnelles dont nous aurions besoin. Par le passé, l’Europe occidentale a été très courtisée. Plus récemment, les pays du Maghreb sont très sollicités ainsi que ceux d’Amérique du Sud. Mais les agents sur place n’informeraient pas les intéressés des obstacles à l’emploi pour les diplômés. À l’heure actuelle, une grande proportion des nouveaux immigrants deviennent amers et se sentent trompés par un discours à double sens : la-bas le Québec leur déroulerait le tapis rouge, ici on ne reconnaît ni leur diplôme, ni leur expérience.
Le témoignage ci-dessous fait état d’un malaise vécu par un nouvel arrivant, diplômé, sélectionné par le Québec à l’étranger. C’est un fragment de vie, un écho parmi le florilèges d’impressions que l’on peut entendre ça et là.


Je me revois encore dans cet hôtel à Tunis, face au miroir, nouant la cravate que m’a donnée mon père tout en repensant au long parcours du combattant que je croyais alors terminé.
Je m’apprêtais à passer le fameux entretien, au terme duquel un simple « oui » ou un « non » déciderait de mon avenir. J’avais ordonné minutieusement mon acte de naissance, mes diplômes, mes expériences professionnelles, ma nationalité, bref tout ce que je suis !

Je me souviens de l’agent me posant une question qui mérite plus qu’une simple réflexion : «Que pensez-vous du Québec ? » Tout en feuilletant ma vie sans grand intérêt apparent, il s’attarda quand même sur mon compte en banque, releva la tête et me dit d’un sourire plus que satisfait « Bienvenue au Québec ! ».

Plus tard, j’ai suivi une séance d’information où des agents d’immigration nous faisaient remarquer, à mes concitoyens ainsi qu’à moi, qu’ils portaient le même bleu que celui du drapeau du Québec. Ils nous informaient sur le reste des démarches à suivre, relevées d’anecdotes déjà préparées et se lançaient des regards complices, avant de nous remettre des papiers officiels et des brochures qui nous rappellent que le Canada est un «Eldorado ». Nous avons même eu droit à une carte postale sur laquelle est inscrit « L’art de vivre au Québec ».

Le jour du grand départ, j’ai remis ma cravate pour faire plaisir à mon père et pour faire aussi bonne impression au comité d’accueil qui finalement derrière un comptoir donnait des allures d’employés de banque, le sourire en moins. Bref, il me remit une liste d’adresses d’hôtels, une carte de métro et une convocation pour une autre séance d’information au cours de laquelle, un agent très enthousiaste nous expliqua qu’ici les gens se respectent et qu’ici le 2 le 4 et le 7 s’écrivent différemment.

Durant les trois premiers mois qui ont suivi mon arrivée, j’entrepris de trouver un appartement, m’inscrire dans un centre de recherche d’emploi et régulariser ma situation. Ce qui a pourvu mon portefeuille de carte bancaire, carte de résident permanent, carte d’assurance maladie, carte d’assurance sociale et carte de bibliothèque!
J’avais mis un point d’honneur à faire connaissance avec Montréal. Du point de vue touristique d’abord, pour ensuite faire connaissance avec les Québécois. Qu ’ont-ils de différent par apport à moi ? Quelles sont leurs spécificités ?

J’ai commencé à apprivoiser…

Les trois premiers mois écoulés, le grand jour arriva. Celui où le gouvernement allait m’aider à trouver un emploi et m’assurer dans un premier temps la sécurité financière minimale. En voilà une bonne occasion de remettre ma chère cravate !

En m’y rendant, je constate que toutes les personnes qui attendent sont Québécoises. En ma qualité de nouvel arrivant et de résident permanent, j’interroge une agente sur la possibilité d’une erreur : après tout, ma situation est différente.
N’ai-je pas été sélectionné sur des critères plus qu’appréciables ? Ne m’a-t-on pas dit le jour de l’entretien, que je présentais le profil idéal de sélection.
Elle me répondit, de façon inexpressive « Veuillez attendre votre tour Monsieur ! »

Mon tour arriva et on m’annonça avec une certaine fierté que le gouvernement du Québec s’engage solennellement à me verser la somme de … 572 $. En rentrant chez moi j’achète l’indispensable carte de métro à 65 $, je paye le loyer de mon 2 1/2 à 425 $ et je réalise alors qu’il ne me reste que 80 $ pour survivre durant tout un mois. C’est à ce moment précis que j’ai décidé de ranger soigneusement ma cravate en me promettant de la remettre seulement pour le véritable grand jour …celui de mon retour.

Épilogue : 9 mois plus tard.
Quant aux heureuses rencontres, je les ai faites durant mon travail à mi-temps, bien après cette période. En tant que moniteur d’aide aux devoirs, j’ai eu à côtoyer cinq collègues, toutes des femmes québécoises d’âges et de milieux différents. Mères, épouses et filles m’entouraient à la salle des professeurs pour connaître ma culture, mes principes, mes idéaux et pour me faire part, quant à elles, de leurs joies, peines, craintes, espoirs, vie privée, problèmes, idées politiques, etc. Tout cela avec beaucoup d’humour et de simplicité, ce qui m’a permis, en y prenant part, d’humaniser ma situation de nouvel arrivant.. Plus que je ne l’avais imaginé, ça a été la meilleure façon qui pouvait m’être donné de faire connaissance avec un peuple.

Cet article est paru dans l'édition Été 2007 du Jumelé.




Le statut fragile des aides familiales

Annie KOUAMY

Quand on parle d’aide-familiale, de qui parlons-nous au juste ?
Une aide familiale est une « professionnelle qui exécute diverses fonctions dans une maison privée. Pour assurer la bonne marche du foyer, elle organise et effectue différentes tâches et activités liées au bien-être des membres de la famille. En l’absence des parents de la famille, elle assume l’entière responsabilité des enfants ou des personnes âgées ou souffrant d’un handicap ».
Ces femmes sont surtout originaires d’Asie, d’Afrique, d’Europe de l’Est et de l’Amérique latine, mais près de 90 % viennent des Philippines. Ce qui les pousse à émigrer, c’est simplement la misère, le chômage ou des guerres. Et misère veut souvent dire payer le traitement d’un enfant malade, les frais de scolarité des enfants, les soins à donner aux vieux parents ou simplement plusieurs bouches à nourrir. Elles pensent trouver en Occident des emplois mieux rémunérés que chez elles, et des conditions de vie plus faciles même si cela comporte la douleur de la séparation d’avec leur famille.

Elles arrivent dans le cadre du programme des aides familiales résidentes (PAFR), autorisant un travail temporaire au Canada, pour pallier une pénurie de main-d’œuvre dans le domaine domestique.

Ce programme exige des candidates un diplôme d’études secondaires ainsi que six mois de formation spécialisée ou douze mois d'expérience en puériculture, en gérontologie, etc. De plus, dans un délai de trois ans, elles doivent cumuler vingt-quatre mois de travail en résidence chez un même employeur avant d’avoir le droit de demander la résidence permanente. Ces vingt-quatre mois doivent être cumulés sans interruption sous peine de reprendre le programme à zéro.
Ces aides familiales ont obtenu avant leur départ un visa de touriste, diplomatique ou un permis de travail qui porte le nom de leur employeur. Il est donc interdit de travailler pour plusieurs employeurs à la fois, ce qui limite l’accès au marché du travail et les rend vulnérables aux différentes formes d’exploitation et d’abus. Chaque fois qu’elles perdent leur employeur (rupture de lien d’emploi), elles se retrouvent en situation illégale car le permis qui leur confère leur légalité au Canada, s’en trouve automatiquement caduque. Du même coup, cela supprime leur droit à l’accès aux différents services comme l’assurance-maladie (délai de carence), la sécurité au travail, l’assurance-emploi, le droit de porter plainte contre un employeur abuseur, etc.
Voici un cas tragique et typique qui illustre bien cette fragilité de statut. Une aide familiale est frappée par le délai de carence et doit être hospitalisée. Au bout de quatre jours, elle se fait facturer une somme de 20 000 $. Or, une aide familiale perd en moyenne deux fois son employeur au cours de trois ans alors que le délai de renouvellement des documents d'immigration varie de trois à six mois.
On comprend donc que le plus grand défi pour une aide familiale est le cumul des fameux vingt-quatre mois, car cela représente pour elle le ticket vers l’amélioration de ses conditions de vie et celle de sa famille lointaine, ainsi que vers une liberté d’action et une protection contre les abus d’employeurs, d’agences ou de consultants en immigration. Contrairement à la résidence permanente, le statut temporaire que leur confère le permis de travail nominatif au nom de l’employeur et l’obligation de résider chez lui contribue à la rendre vulnérable face aux abus.
Dans ce contexte, de nombreuses aides familiales vont se retrouver dans des situations où leur confiance sera à de nombreuses reprises trahie. Durant leur parcours, ces femmes vivront l’isolation, des horaires de travail démesurés et le non-respect des jours de congé. Il arrive que certains employeurs ne permettent à leur aide familiale que quelques heures de sommeil par nuit.

Dans plusieurs cas, les documents d’identité sont enlevés et conservés par l’agence ou l’employeur, ce qui rend la détentrice extrêmement vulnérable, sans compter l’intimidation lorsqu’elle ose protester et le harcèlement psychologique et sexuel.



C’est le cas d’une aide familiale qui a eu gain de cause devant la Commission des normes du travail suite à une plainte pour salaire impayé par son employeur qui l’a poursuivie au civil pour dommages et intérêts suite à son refus de payer la somme réclamée.

Nombreuses aussi sont les victimes de traite de même que celles qui sont déjà endettées au moment de leur arrivée au Canada, pour avoir sollicité les services coûteux d’une agence de recrutement international. La GRC estime à huit cent les femmes victimes de traite par an au Canada.
C’est précisément pour veiller à la protection des droits des femmes concernées face à ce genre d’abus, que l’AAFQ légitime son existence. En effet, depuis 1975, l 'Association oeuvre auprès des aides familiales du Québec et sa force et son rayonnement sont fondés sur le rassemblement d’un groupe de femmes originaires de plus d'une vingtaine de cultures différentes, sans oublier les Québécoises d'origine dont les conditions de travail en milieu familial sont sensiblement les mêmes. L'Association a toujours orienté ses actions vers la défense des droits de cette catégorie de travailleuses, ainsi qu'à la reconnaissance, au respect et à la valorisation de cette profession. Elle mène une lutte politique active pour faire avancer leur cause.
Elle revendique entre autres un statut permanent dès leur arrivée au Canada, l’abolition de l’obligation à résider chez l’employeur, la mise sur pied de programmes d’employabilité destinés aux aides familiales résidentes, la possibilité de porter plainte à la Commission des normes du travail contre un employeur abuseur lorsqu’elles sont sans permis de travail.

Pour une meilleure protection des aides familiales, l’AAFQ exhorte le gouvernement canadien à ratifier la Convention des Nations-Unies relative à la protection des travailleurs migrants et leur famille, ce qui comprend un meilleur contrôle des agences de recrutement et des consultants en immigration qui dans bien des cas sont complices dans la traite des femmes.


(Il faut préciser que les hommes sont très peu nombreux à faire ce métier. C’est pourquoi nous utilisons le féminin.)

Information: AAFQ


Cet article est paru dans l'édition Été 2007 du Jumelé.

Naitre ailleurs, apprendre ici
Un enjeu économique et social à l'ordre du jour des décideurs

Nicolas DEDEK

La Fondation pour l’alphabétisation organisait, le 28 mars dernier dans la région de Montréal, une journée de réflexion portant sur l’intégration des personnes immigrantes par la formation. Lors de cette journée animée par le communicateur Philippe Fehmiu, la Fondation a présenté les résultats d’une recherche effectuée auprès d’adultes désirant entreprendre une démarche de formation et qui, pour leur venir en aide, ont fait appel aux lignes téléphoniques de référence Info-Alpha et Info Apprendre.

La population immigrante représente près de 40 % des utilisateurs de ces lignes. La Fondation a voulu creuser plus en profondeur la question de leur intégration par la formation avec les intervenants de divers milieux. « Dans le contexte actuel de pénurie de la main-d’œuvre, ce sujet s’avère d’autant plus pertinent qu’il touche la réalité économique et sociale du Québec de demain, un enjeu auquel les décideurs doivent faire face rapidement », a déclaré d’entrée de jeu la présidente-directrice générale de la Fondation pour l’alphabétisation, Maryse Perreault. Les quelque 100 intervenants présents ont pu participer à l’un des trois ateliers proposés, soit la non-reconnaissance des diplômes, la réalité particulière des femmes immigrantes et les enjeux entourant l’intégration des membres peu scolarisés des communautés ethniques.

Parmi les problématiques abordées, mentionnons le fait que les personnes peu scolarisées partent de beaucoup plus loin dans leur cheminement; la méconnaissance non seulement du français, mais aussi du code écrit, même dans leur langue d’origine, se révèle être un obstacle important à leur intégration. Ces personnes, souvent isolées, ont perdu leurs repères ainsi que le réseau d’entraide sociale qu’elles avaient dans leur pays d’origine. Cela est particulièrement vrai pour les femmes peu scolarisées qui, la plupart du temps, sont confinées à la maison et ne peuvent participer à la vie citoyenne dû à une méconnaissance du français et, dans bien des cas, étant analphabètes.

Il a été question aussi des difficultés pour ces personnes d’avoir accès aux programmes de francisation lorsqu’elles sont au Canada depuis plus de cinq ans. Cette situation est rencontrée principalement par les femmes qui, après avoir passé quelques années à la maison, doivent acquérir des connaissances du français lorsque leurs enfants entrent à l’école ou lorsqu’elles doivent joindre le marché du travail.

De plus, plusieurs intervenants ont mentionné les problèmes vécus par les jeunes de deuxième génération, notamment les garçons nés au Québec de parents immigrants. Ils connaissent des difficultés importantes d’intégration dans certaines communautés, même s’ils sont nés ici et parlent français. Le décrochage scolaire en est la conséquence. Des programmes de prévention et d’accompagnement devraient, selon les participants, être mis en place afin de prévenir la sous- scolarisation.

ÉBAUCHE DE SOLUTIONS
Parmi les solutions présentées lors des discussions, un meilleur accompagnement des personnes immigrantes peu scolarisées, en procédant notamment par jumelage, devrait être considéré, leurs besoins d’encadrement étant plus importants. L’enjeu de la communication est également ressorti clairement pour les intervenants dans la mise en place de solutions concrètes. Des partenariats plus étroits favorisant l’échange d’information auraient donc avantage à être créés. Par exemple, de nombreux programmes élaborés entre autres par Emploi-Québec et le ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles gagneraient à être mieux connus ainsi que des projets d’organismes communautaires ayant fait leurs preuves. Ceux-ci pourraient inspirer les intervenants de tous les milieux.

Cette journée de réflexion s’est révélée un grand succès, ayant permis de réunir de nombreux intervenants motivés par un même objectif : améliorer les services offerts aux immigrants afin de leur permettre de participer pleinement à la société québécoise.

Cet article est paru dans l'édition Été 2007 du Jumelé

Stratégie Carrière à Trois-Rivières
Rampe de lancement vers un emploi

Jérôme MARSAIS

« Je ne suis pour toi qu’un renard semblable à cent mille renards.
Mais si tu m’apprivoises, nous aurons besoin l’un de l’autre. »
Le petit Prince- A. Saint-Exupéry

Stratégie Carrière est un organisme à but non lucratif créé en 1998 et dont la mission première est l’employabilité. Une équipe pluridisciplinaire de conseillers d’orientation, de conseillères en emploi, d’une psychologue et d’agents de liaison, mise sur l’intervention complémentaire de chaque employé pour accompagner de façon appropriée et personnalisée nos clients en recherche d’emploi.

En 2004, nous avons ouvert notre expertise aux immigrants avec un programme de régionalisation pour attirer ces derniers en Mauricie. Peu de temps après, nous offrions également nos services aux immigrants déjà présents sur le territoire, pour la plupart des réfugiés publics.

Notre clientèle est donc diversifiée en termes de culture, de statut, de profil professionnel… d’attentes surtout de leur nouvelle vie québécoise. Par conséquent, l’approche des conseillères en emploi de Stratégie Carrière devient tout aussi diversifiée. Leurs interventions, basées sur des rencontres individuelles, permettent d’adapter le discours, le cheminement dans la recherche d’emploi, et, enfin, l’accès à l’emploi.

Lorsqu’on parle d’employabilité des immigrants de la région, il faut être pragmatique et savoir qu’un success story de placement en emploi provient toujours d’une alchimie dont les ingrédients reliés à des facteurs « entreprises », « sociaux » et « humains » sont multiples. Le mécanisme est subtil pour concrétiser l’obtention d’un poste. On s’imagine donc facilement les difficultés que peut rencontrer un immigrant livré à lui-même face à sa recherche de travail.

Dans cette optique, il nous est apparu primordial, dès l’origine du projet, d’associer aux conseillères en emploi des agents de liaison pour que les techniques de recherche d’emploi soient appliquées de façon adaptée et immédiate afin de ne pas briser la dynamique de mise en route.

J’occupe depuis 2004 cette fonction d’agent de liaison. À la croisée des chemins entre le monde social et le monde économique, il me faut savoir naviguer dans ces deux sphères, tantôt à titre de « manager », tantôt de « médiateur », tantôt de « traducteur », au sens culturel, de manière à faire comprendre à un employeur la valeur du profil professionnel d’un immigrant et à celui-ci les attentes d’un employeur québécois.

Il va sans dire que la pierre angulaire de l’attraction, de l’établissement et de la rétention des immigrants en région reste l’emploi. Souvent, pour le choix du lieu de résidence, le taux de chômage plus bas est un indicateur qui pèse lourd dans la balance, car il est le gage, aux yeux des nouveaux arrivants, des « probabilités » de leur accès rapide à un travail. Pour ma part, cela me semble réducteur et aucunement significatif, car l’activité économique reste quand même présente, malgré un taux de chômage relativement élevé, car les besoins sont là, manifestes, surtout pour la région de la Mauricie qui devra demain, pour ne pas dire dès aujourd’hui, recruter de la relève en raison d’une population vieillissante. Il est vrai que cela sous-tend la mise en candidature de beaucoup de compétiteurs pour un même poste. Dans ce contexte, tout se joue dans la sélection « du » candidat par l’entreprise. C’est alors que notre travail requiert de rendre compétitif l’immigrant présenté par Stratégie Carrière, de lui faire gagner des places dans la pile de curriculum vitae sur le bureau des recruteurs, en mettant de l’avant les compétence de notre candidat pour éviter son éviction à cause de l’orthographe de son nom ou du pays d’origine où a été dispensée sa formation et exercée son activité professionnelle.

Parallèlement à ce travail auprès de nos clients, il convient de faire une campagne permanente de sensibilisation et d’information auprès des employeurs, car l’immigration est encore un phénomène nouveau en Mauricie et les « idées reçus » ont la vie dure. Par contre, l’économie est souvent un vecteur de progrès, d’évolution et d’ouverture d’esprit. De plus, le spectre de la relève urgente à dénicher et de ses conséquences socio-économiques impose d’ores et déjà une réflexion aux recruteurs pour le développement de leur industrie. Cette conjoncture est alors propice à l’alternative qui est l’embauche d’immigrants dans notre région.

Un parcours vers l’emploi


Monsieur B. est originaire d’Afrique et a fait ses études de mécanicien de machines fixes en Belgique. Il a quatre années d’expérience professionnelle en tant qu’officier mécanicien de la marine marchande. Il est arrivé au Québec en janvier 2006 avec sa conjointe.

Dès son arrivée, il a entamé sa recherche d’emploi et après quatre mois de recherches infructueuses, il a orienté son projet professionnel vers la reprise d’une formation universitaire en génie mécanique pensant que celle-ci lui donnerait plus de reconnaissance auprès des employeurs et ne l’éloignerait pas de son domaine. Les cours ne débutant qu’au mois de septembre, il est retourné en Belgique pour un contrat sur un navire.

Fin octobre 2006, Monsieur B. intègre notre programme car l’emploi reste sa priorité pour des raisons financières. Les premières rencontres avec la conseillère ont permis de mettre à jour les outils de recherche d’emploi et finaliser les démarches pour l’obtention de cartes de compétences professionnelles. Une fois le processus de mise en mouvement entamé, l’agent de liaison s’est associé au dispositif en apportant une dimension « entreprise » à la recherche. En collaboration avec le client, des entreprises sont ciblées, des offres sont relevées et un positionnement du client est réalisé par l’agent de liaison afin de faciliter la mise en relation avec les employeurs. Rapidement Monsieur B a une proposition d’emploi mais malheureusement, les compétences transférables du client sont insuffisantes et l’employeur n’est pas en capacité d’assurer la mise à niveau du client.

Cette courte période en emploi a été profitable dans le sens où elle a permis d’orienter différemment les secteurs d’activité à solliciter. De nouveaux contacts sont pris par l’agent de liaison et le CV du client est adressé à des entreprises ciblées. En février un nouveau maillage est réalisé, il s’ensuit une entrevue à l’entreprise. Le profil convient à celui recherché et une proposition d’emploi est faite. Malheureusement une semaine avant le début d’emploi, le client doit retourner en Belgique à cause de problèmes familiaux pour une durée de 2 mois. L’agent de liaison entame alors une médiation avec l’employeur qui consent à attendre le retour du client. Monsieur B. est en emploi depuis le 3 mai dernier. Le suivi réalisé après un mois auprès du client et de l’employeur démontre jusqu’alors une bonne intégration.



Cet article est paru dans l'édition Été 2007 du Jumelé

Sensibilisation en milieu de travail

Isabelle GAVARD

Sous le thème « Les essentiels à l’emploi pour une main-d’œuvre d’ailleurs », le CARI St-Laurent a renouvelé cette année pour la cinquième fois les Journées de l’emploi, les 22 et 23 mai 2007.

Dans ce cadre, pour la deuxième année consécutive, une activité de tutorat a été mise en place. Vingt immigrants, chercheurs d’emploi, ont été invités dans dix-sept entreprises, organismes ou secteur public durant une demi-journée afin de les sensibiliser au mode de fonctionnement de leur profession au Québec.

Les secteurs d’activité concernés se trouvaient être le travail social, les communications, la télévision, la publicité, le journalisme, l’économie, l’administration, la comptabilité, l’électronique et l’informatique Les tuteurs étaient appelés à présenter aux invités leur domaine d’action et leurs responsabilités. De plus, ils leur donnaient un travail à effectuer. Ainsi, un journaliste participant a vu publié le dimanche suivant son article dans le journal local qui l’a accueilli. Un autre chercheur a suivi un agent communautaire dans ses démarches relatives à un projet spécifique. Une troisième s’est vue confier la mise en page d’un document en infographie. Et une quatrième a traduit un document.

La découverte personnelle, le passage de l’imaginaire au vécu, la révélation de la capacité d’accueil des gens d’ici, la détection des différences mais aussi des similitudes permettent de rompre bien des barrières psychologiques dans la tête des nouveaux arrivants.


Le feed-back et les témoignages des deux parties, à la fin de la journée, ont été très positifs.

Les accompagnateurs ont donné de leur temps avec une disponibilité et une efficacité remarquables. Ils ont aimé l’expérience et trouvé que les candidats étaient des personnes motivées et compétentes. Certains ont proposé à leur stagiaire de revenir à l’entreprise pour une journée supplémentaire afin de leur permettre d’approfondir leur connaissance du milieu. D’autres sont prêts à renouveler l’expérience l’année prochaine et même à embaucher un immigrant participant si un poste devait s’ouvrir ou à les référer à leur réseau de connaissances.

L’année passée, trois participants avaient été embauchés suite à l’activité et un candidat avait décroché un stage d’un mois dans son domaine.

De leur côté, les chercheurs d’emploi ont pu retirer beaucoup d’informations concernant leur profession tout en découvrant la réalité du marché du travail au Québec. En même temps, ils ont pu vérifier si leurs compétences techniques sont à jour ou non et constater si leur secteur de spécialisation dans leur pays d’origine se compare à celui d’ici.

Ils constatent bien sûr leur besoin d’adaptation à l’emploi, aux façons de faire québécoises et aux différences de communication mais aussi que cette adaptation peut être rapide. Ils se rendent compte également de leur capacité de s’intégrer à une entreprise et de comprendre son mode de fonctionnement. Cette demi-journée leur a permis de reprendre confiance en eux-mêmes et en leur compétence bien qu’ils ne possèdent pas la fameuse « expérience québécoise ». Cela leur redonne également l’espoir qu’une entreprise les embauchera. Ils sont prêts d’ailleurs « à tout donner ».

Rien ne vaut une expérience vécue, ni la constatation de ses propres yeux du fonctionnement à l’interne d’une entreprise, d’un organisme, d’un centre de développement économique, d’un musée ou d’une ville, de même que des habitudes de travail au Québec. Ce genre d’initiative est bien plus révélateur que mille mots, articles, expériences bonnes ou mauvaises rapportées par des proches.

La découverte personnelle, le passage de l’imaginaire au vécu, la révélation de la capacité d’accueil des gens d’ici, la détection des différences mais aussi des similitudes permettent de rompre bien des barrières psychologiques dans la tête des nouveaux arrivants.

L’exploration du monde réel sur le terrain nous éloigne tous du dérapage médiatique que nous avons connu ces derniers mois, même si nous ne vivons pas dans un monde parfait et qu’il nous reste du travail à accomplir sur bien des points.

Cet article est paru dans l'édition Été 2007 du Jumelé

Régionalisation
Trois organismes, un objectif


A.K.

PROMIS, Carrefour BLE et le Collectif des femmes immigrantes du Québec, trois organismes associés à la régionalisation des immigrants. Trois organismes qui évoquent une persévérance quotidienne et des défis permanents à relever.

L’un des grands défis de l’immigration aujourd’hui est de parvenir à faire bénéficier les régions du Québec des flux migratoires que connaît la métropole. Plus de 80 % des nouveaux arrivants s’installent en effet à Montréal qui, par son dynamisme économique et ses atours de grande ville cosmopolite, exerce un attrait certain sur les Néo-Québécois.

Le choix de Montréal comme destination première s’impose quasiment de fait chez les immigrants, car c’est dans cette ville qu’ils disposent souvent d’un point de chute et qu’ils espèrent retrouver un premier réseau d’amis et de proches, souvent utile dans le processus migratoire. Rares en effet sont ceux qui atterrissent au Saguenay, en Abitibi ou en Beauce.

Pourtant, les régions, confrontées à l’effet conjugué de l’exode des jeunes et du vieillissement de la population, se vident. Afin de tenter d’inverser cette tendance, des organismes basés à Montréal développent des programmes financés par le gouvernement afin d’inciter les immigrants à s’installer en région.

Parmi eux, PROMIS qui est sans doute le plus dédié à la cause de la régionalisation. Cet organisme organise entre autres des sorties en région, à l’occasion de foires d’emploi et de divers événements, afin de faire connaître aux nouveaux arrivants la réalité régionale et les opportunités d’emploi offertes en dehors de Montréal. Grâce aux contacts qu’il a noués et à l’expertise acquise au fil des ans, PROMIS fournit de précieuses informations à ses participants en recherche d’emploi en région. De plus, cet organisme aide les nouveaux arrivants désirant s’établir en région, en leur remboursant la moitié des frais de déménagement. Ceci, en plus de l’assistance fournie au préalable pour la recherche de logement, de garderie et d’école pour les familles.

Enfin, PROMIS offre depuis peu un nouveau service au profit des immigrants qui choisissent de s’établir directement en région. L’organisme les accueille à l’aéroport pour les accompagner, tous frais payés, à leurs lieux d’installation où ils sont accueillis par des partenaires locaux.

Autre organisme, autre décor. Carrefour BLE (Bio Local Emploi) brille par son dynamisme et la particularité de sa mission, du reste unique au Québec. La petite équipe de la rue Saint-Denis dispense une formation de mise à niveau à des personnes immigrantes spécialisées en agronomie, en agroalimentaire et en environnement. Il va sans dire que la spécialité des immigrants qui fréquentent cet organisme évoque spontanément le paysage champêtre. Pendant trois mois, les participants sélectionnés sur la base, entre autres, de leur motivation à s’installer en région, suivent des cours théoriques afin de connaître les spécificités et les normes québécoises et canadiennes dans leur domaine d’activité. Ces cours sont ponctués de sorties dans des entreprises agricoles ou agroalimentaires en région. L’objectif est double : permettre aux étudiants d’avoir une idée du travail sur le terrain et les mettre en contact de la réalité régionale.

Après la partie théorique, les participants de Carrefour BLE sont placés en stage pratique de deux mois dans des entreprises en lien avec leur spécialité. L’organisme s’évertue à dénicher des stages en région, notamment pour ceux spécialisés en production animale et végétale. Ce n’est pas tout. Après le stage, les étudiants ont droit à un suivi régulier de la conseillère en emploi pour la recherche d’emploi, avec de surcroît une mesure incitative qui consiste à rembourser les frais de transport pour les personnes ayant effectué les entrevues d’embauche en région.

Le Collectif des femmes immigrantes du Québec, également ouvert aux hommes, dispose lui aussi d’un programme de régionalisation. Celui-ci consiste notamment à aider les immigrants à décrocher un emploi en région, et ce, en leur assurant un encadrement par conseiller en emploi, en leur fournissant des offres d’emploi et en les mettant en contact avec des organismes d’accueil basés en région.

En dépit de leurs efforts et de leur imagination, ces organismes éprouvent certaines difficultés en matière de régionalisation, dont notamment le tarissement du financement gouvernemental qui les freine dans leur élan. Il faut ajouter à cela la réticence de bon nombre de nouveaux arrivants à quitter le grand centre urbain, de peur d’un isolement en région, qui est d’ailleurs souvent associée au grand Nord. Les turbulences périodiques que connaît l’économie régionale, comme c’est le cas présentement pour les secteurs forestier et manufacturier, n’encouragent pas non plus les immigrants à s’installer en région. Force est de constater enfin que le récent débat biaisé sur les accommodements raisonnables, en ce qu’il a contribué à accentuer les préjugés de toutes sortes, ajoute à la réticence de s’établir en région.

Pour en savoir plus:
Carrefour BLE
PROMIS
Cet articles est paru dans l'édition Été 2007 du Jumelé

L’oublié de Saint-Laurent

Florence SALLENAVE


Mohamed vient de fêter pour la 4ème fois la fête de la Reine au Québec.
Mohamed est arrivé du Maroc en août 2003, seul, sa femme et sa fille étant restées à Casablanca en attente du visa de résidence permanente. Et puis Mohamed ne savait pas si ça lui plairait Montréal. Son cousin lui avait souvent dit au téléphone: « Tu verras les hivers sont longs et froids mais on a une belle vie. Tu auras du travail facilement et tu pourras loger chez moi au début, en attendant que tu te trouves un appartement assez grand pour accueillir ta femme et ta fille. »
Dès son arrivée à Montréal, Mohamed n’avait qu’une idée en tête, trouver un emploi, n’importe quel emploi. Après tout ce serait toujours aussi bien que « pas de boulot au Maroc ». Et puis Soumia attendait quelques dollars pour vivre enfin décemment dans sa banlieue de Casablanca. Mohamed lui avait promis de lui expédier de l’argent dès qu’il recevrait sa première paye. La situation devenait urgente car les économies du couple avaient fondu dans le billet d’avion et quelque argent pour l’installation de Mohamed à Montréal. Son cousin n’était pas pour pour le nourrir aussi vu qu’il l’hébergeait déjà gratuitement.
Mohamed aurait pu attendre de trouver un emploi en relation avec sa maîtrise en économie obtenue en 2000 à l’université Hassan II de Casablanca . Il avait de quoi attendre quelques mois puis s’inscrire au CLE de saint Laurent et toucher les allocations de Revenu Québec.
Mais Soumia attendait un peu d’argent pour offrir quelques vêtements neufs à sa fille. S'il avait décidé d’attendre, il aurait pu bénéficier des services d’organismes en employabilité pour l’aider à affronter le marché du travail. Mais Mohamed, pressé de travailler à fait un autre choix. Grâce à son cousin, il a trouvé, un poste à temps plein dans une entreprise de fabrication de Saint-Laurent. Pas le poste de rêve, non, le poste qui vous laisse l’esprit libre le jour mais le corps terrassé de fatigue à la fin de votre quart de travail. 9$ pour démarrer 10$ au bout d’un an avec la promesse d’un emploi plus intéressant si tout se passe bien.
Depuis 3 ans Mohamed contrôle la qualité des produits. La première année il rangeait les brosses à linge dans des caisses en carton, prêtes à être envoyées à l’expédition.
Quand on demande à Mohamed pourquoi il n'a pas essayé de trouver un meilleur emploi plus en concordance avec sa maîtrise, il répond que ses copains marocains sont comme lui, à des postes de 9 à 12 $ de l’heure en entreprise ou dans des restaurants.
Sans expérience canadienne dans son domaine qu’est la gestion administrative que peut-il trouver? Et puis depuis septembre 2001 quand on se prénomme Mohamed, les directeurs des ressources humaines sont rares à vous confier des postes de gestionnaires.
Alors la seule solution est de faire des économies.
Soumia et la petite Nora sont arrivées en octobre 2005 ce qui a réchauffé le cœur de Mohamed mais qui a fait fondre ses maigres économies. Mohamed a bien pensé s’inscrire à l’UQAM ou aux HEC pour obtenir un diplôme québécois mais quand il rentre le soir il est trop fatigué pour s’investir dans une telle démarche.
De plus, s’il quitte son poste de lui-même pour s’investir dans une recherche d’emploi intensive il n’est pas sûr de toucher les allocations de chômage. C’est un risque qu’il ne peut pas prendre.

Les entreprises québécoises sont pleines d’oubliés comme Mohamed qui, privés de contact avec des professionnels en employabilité, n’ont que peut d’espoir de voir leur avenir professionnel faire un virage à 360 degrés.

Pourtant si Mohamed comparait ses études avec celles des HEC ou de l’UQAM, il serait surpris de voir que les cours ne sont pas si fondamentalement différents. De plus il vient d’acquérir l’expérience d’entreprise si souvent réclamée par les patrons québécois.

Alors que fait-on? Reste t’on les bras croisés à voir les nouveaux arrivants sous utilisés par notre société d’accueil?
Le Québec manque déjà cruellement de relève. L'immigration devrait logiquement réussir à combler certains manques. Même si certains écarts dans la formation universitaire de ces oubliés existent, ils pourraient facilement être comblés par une formation courte, modulaire adaptée aux besoins de chaque nouvel arrivant possiblement payé dans le cadre du 1% de la formation par le Fonds de développement de la main d’œuvre ou tout autre programme approprié.
Si chaque nouvel arrivant pouvait recevoir des conseils individuels en réorientation professionnelle suivis d’un parcours de formation adaptée, le gouvernement ferait des économies d’échelle importantes pour ceux qui s’usent moralement à l’assurance emploi ou perdent leur temps dans des programmes universitaires coûteux et inopérants de longs mois.
Pour les besogneux cachés en entreprises, les syndicats et le patronat québécois pourraient envisager des solutions pour les salariés ainsi que des solutions compensatrices et incitatives pour les entreprises qui collaboreraient à un tel programme.

Le congé individuel de formation existe dans certains pays et permet aux salariés de se former tout en conservant leurs avantages acquis.
Pourquoi est-ce si compliqué de copier les programmes qui marchent?

Il serait tout particulièrement intéressant de faire une recherche sur le nombre d’oubliés en entreprise ainsi que sur l’utilisation de la formation continue pour promouvoir les salariés immigrants en entreprise. (Nouveaux arrivants et autres).
Comme beaucoup de ces personnes nouvellement arrivées au Québec ne connaissent pas leurs droits, il serait étonnant de voir une très grosse proportion de nouveaux arrivants parmi les bénéficiaires de la formation continue.
Dossier intéressant à développer peut-être par les partenaires du marché du travail.


Cet article est paru dans l'édition Été 2007 du Jumelé

mardi 2 octobre 2007

La protectrice des ouvriers mexicains vaincue par un cancer

Patricia Pérez est décédée ce dimanche.
Ci-dessous, un article d'André Noël paru ce jour dans La Presse.
Patricia avait collaboré à notre dernière édition du Jumelé dans le cadre d'un article sur les travailleurs et travailleuses agricoles saisonniers. >>>Lire ici




Le mardi 02 oct 2007
André Noël
La Presse

Patricia Perez, qui a fondé le Centre d'appui aux travailleurs agricoles, refusait le titre de militante. Pourtant, elle l'était jusqu'au bout des ongles. Elle ne pouvait pas voir l'ombre d'un poil d'une injustice sans se battre. Depuis un an, elle luttait sans se plaindre contre une maladie injuste entre toutes, le cancer. Elle est morte dimanche, dans son petit appartement du centre-sud de Montréal, à l'âge de 52 ans.

La pièce qui lui servait à la fois de salon, de cuisine et de salle à manger était encombrée de dizaines de boîtes, où elle classait les dossiers des centaines d'ouvriers à qui elle venait en aide pour réclamer des soins médicaux, des prestations de congés parentaux, des allocations d'assurance après un accident de travail.

Sur une boîte traînait un portrait de Cesar Chavez, le célèbre syndicaliste qui a organisé les ouvriers agricoles chicanos de Californie. Comme lui, et comme bien d'autres qui travaillent dans l'ombre, aussi discrète et présente que le sel de la terre, Patricia Perez a contribué à donner au syndicalisme ses lettres de noblesse.

Elle a dirigé les premières assemblées d'ouvriers dans des champs de la région de Joliette pendant ses jours de congé, alors qu'elle était employée comme dame de compagnie par la famille Bronfman. Bien avant que le syndicat des Travailleurs unis de l'alimentation et du commerce lui paye ses frais et un salaire, elle gardait son cellulaire ouvert en permanence, pour que les ouvriers puissent la joindre à minuit comme à midi.

Elle recevait des appels d'aussi loin que l'Alberta et la Colombie-Britannique. Même lorsqu'ils se trouvaient isolés dans des fermes éloignées, les ouvriers agricoles étrangers de tout le Québec connaissaient son nom et sa réputation: celle d'une femme prête à tout pour les aider. Cet été, lorsqu'un journaliste de La Presse a fait la tournée de plusieurs fermes, les travailleurs, inquiets de son état, demandaient systématiquement de ses nouvelles.

Mais contrairement à Cesar Chavez, elle n'a pas réussi, du moins de son vivant, à les syndiquer. La semaine dernière, une décision de la Commission des relations de travail a rejeté les requêtes en accréditation de deux premiers groupes, le Code du travail québécois empêchant à toutes fins utiles la syndicalisation des fermes.

Une réfugiée politique

Patricia Perez est née en 1955 à Mexico, avant-dernière d'une famille de huit enfants, fille d'un imprimeur syndicaliste et d'une mère nahua, qui lui a inculqué les valeurs de solidarité de cette communauté indienne, la plus importante du Mexique.

«Chez les Nahuas, on doit faire en sorte que la communauté fonctionne bien, ainsi chaque individu va bien, nous a-t-elle dit au cours d'une des longues entrevues qu'elle nous a accordées, en mai, à sa chambre de l'hôpital Notre-Dame. C'est ce que j'ai toujours essayé de faire. Et c'est pourquoi je ne me reconnais pas comme une militante. Aider la communauté, c'est comme trouver les fleurs jolies: cela va de soi.»

Dès le collège, elle a commencé à documenter les abus de l'armée. Propulsée à la tête des ressources humaines de l'institut scientifique de la Pemex - la société nationale du pétrole - puis d'un autre institut scientifique, elle a discrètement participé aux activités du Front zapatiste de libération nationale, qu'elle considérait comme «l'organisation des Indiens». Elle écrivait des tracts, distribuait le journal du groupe, recueillait des fonds.

Ces activités lui ont valu d'être enlevée par des hommes en civil, en septembre 1996, alors qu'elle marchait sur le campus de l'Université de Mexico. Elle a été séquestrée et maltraitée. Lorsque nous lui avons demandé des détails, elle s'est mise en colère. «Pourquoi voulez-vous des détails? a-t-elle demandé, avant d'éclater en sanglots. Cet épisode est très douloureux. Je ne veux pas en parler.»

L'exil ou la mort

On lui a offert de choisir entre l'exil et la mort, a-t-elle raconté. Elle a opté pour le Canada plutôt que l'Europe - «afin de pouvoir rentrer à pied chez moi si je voulais» - et que les États-Unis, «un pays trop injuste». Une fois à Montréal, elle a obtenu le statut de réfugiée politique, a fait venir ses enfants Patricia et David, et a trouvé un emploi comme dame de compagnie pour une aïeule de la famille Bronfman, à Westmount.

«Patricia Perez donnait beaucoup d'affection à Mme Bronfman, se rappelle Nadine Gut, qui l'avait embauchée pour la famille. Elle était patiente, chaleureuse et donnait toute la sécurité voulue.» Une collègue de travail chez les Bronfman, Florence Benjamin, se souvient d'elle comme d'une «femme exceptionnellement intelligente, toujours prête à se battre pour les démunis».

Le salaire élevé et les nombreux congés payés par les Bronfman ont permis à Patricia Perez de travailler bénévolement pour Amnistie internationale, puis de consacrer ses temps libres aux ouvriers agricoles mexicains. Au départ, elle ignorait que des milliers de ses compatriotes se trouvaient ici, dans des fermes. Elle en a croisé quelques-uns par hasard dans les rues de Montréal. Elle leur a laissé son numéro de téléphone.

Un bon jour, elle a reçu un appel d'un ouvrier blessé, à Saint-Thomas, près de Joliette. Elle lui a donné rendez-vous pour le lendemain 10h, devant l'église du village. Le travailleur est arrivé en vélo, la main noire et très enflée: une machine l'avait happée. Il n'avait reçu aucun soin. Incapable de travailler, il n'avait plus aucun revenu. Mme Perez lui a donné assez de provisions pour le nourrir pendant un mois.

Un peu plus tard, elle est retournée sur la ferme. Mais le travailleur avait été rapatrié. Lorsqu'elle a demandé des comptes au consulat du Mexique, on lui a répondu sèchement de se mêler de ses oignons. «J'ai prévenu le consulat que, désormais, ce serait mes oignons», a-t-elle relaté.

Depuis ce jour, elle s'est démenée sans arrêt pour les travailleurs. Elle a continué à le faire même lorsqu'elle a appris qu'elle avait une tumeur cancéreuse au pancréas, avec métastases. Au cours des entrevues, elle ne donnait aucun signe qu'elle craignait la mort. Mais quelques fois, elle pleurait en réalisant qu'elle n'allait plus pouvoir continuer son travail. Elle a formé sa fille Patricia et deux autres jeunes gens à prendre la relève.

Son corps est exposé, aujourd'hui seulement, au Centre funéraire Ville-Marie, au 1841, rue Ontario Est, entre 14h et 22h. Une cérémonie aura lieu en soirée. Patricia Perez a demandé que ses cendres soient dispersées sur les champs de Saint-Rémi, au sud de Montréal, où se trouve la plus grande concentration d'ouvriers agricoles.